samedi 26 novembre 2016

Abdelhaï SADIQ Festival du Livre de Marrakech 2015

Point de vue sur la traduction (II) De la traduction littéraire



    

 Abdelhaï SADIQ


 


 


Marrakech, 2013/2016.

S5. FLMSH.




Dans le processus traductif d’oeuvres d’auteurs tels que Kafka, Dante, Dostoïevski, Shakespeare, Hallaj, Khayyâm ou encore des textes sacrés tel le texte coranique, les traductions françaises dont nous disposons sont dans leur majorité réalisées par des traducteurs originaires de la culture réceptrice. Pourquoi en est-il ainsi ? La traduction serait-elle perçue comme une appropriation et non comme une offrande ? Dans ce sens, la traduction peut-elle prétendre à l’objectivité et comment ?
A la fois subjective par les choix et les démarches, et objective par les visées et les prétentions, la traduction se trouve être paradoxale. De là résultent d’autres interrogations. Quelle attitude avoir face au texte à traduire ? Quel est ce parfait traducteur auquel pourrions-nous faire confiance ? Quel rapport peut-on avoir avec les textes de départ et d’arrivée ? Enfin, sommes-nous en mesure de juger une traduction, et si cela est possible voire pertinent, selon quels critères d’appréciation et d’évaluation un tel travail est possible ? C’est à cet ensemble de questions et à d’autres que le parcours que nous proposons apportera quelques éléments de réponse, sachant que la problématique traduction touche et puise dans toutes les disciplines des sciences humaines, sociales voire scientifiques.
De notre point de vue, traduire signifie, être à l’écoute de l’étranger incapable de goûter l’original d’une part, et être attentifs aux prouesses que les langues de départ et d’arrivée peuvent réaliser, se faisant étrangement échos, chacune à elle-même, et dialoguant entre elles à travers leurs mouvements et leur imprévisibilité, d’autre part.
Ce rapport de réciprocité entre original et traduction, entre langues de départ et d’arrivée tout en visant une certaine reconnaissance mutuelle, reflète étrangement le rapport auteur/création au sujet duquel J.L.Borges écrivait  Je compris à la dernière page, que mon récit était un symbole de l’homme que je fus pendant que je l’écrivais et que, pour rédiger ce conte, je devais devenir cet homme et que, pour devenir cet homme, je devais écrire ce conte, et ainsi de suite à l’infini (1986). Dans ce sens la traduction comme la création n’est que répétition et interprétation, la première sauvegarde une partie plus ou moins importante de l’original, la seconde donne à la parole une vie qui déborde l’instant et le lieu où elle a été prononcée ou transcrite (Steiner,1978).
A l’aide des opinions des uns et des théories des autres, illustration sera faite des aspects les plus importants de la démarche traductive et de  l’opération traduisante  ainsi que des interrogations qu’elles suscitent. Selon Goethe le parti-pris est la vertu de l’homme d’action, certes, mais ici dans le labyrinthe que représente le penser traduire, on ne peut objectivement proclamer que telle théorie ou telle méthode est meilleure que telle autre.
Aussi, il est important de poser, de prime abord, la problématique de la traduction et du traduire d’un point de vue terminologique, d’un point de vue historique, et du point de vue des théories qui tentent de l’éclairer.
La traduction est métaphore de l’écriture, oui. Il y a une différence entre traduction et interprétation, oui. La traduction est un art, oui également. Néanmoins, pour ce faire, elle a besoin d’une éthique globale plus que du déontologique, qui, corporatisme aidant, a largement nuit à la réflexion traductive placée ainsi dans le clivage qui l’inscrit en termes de parti-pris.
La prédominance de l’auteur ou celle du lecteur se concrétisant par l’élaboration de stratégies traduisantes et traductives en faveur de l’un ou de l’autre n’ont pas réellement lieu d’être car le texte n’a d’existence réelle et d’opérationnalité effective que grâce aux deux ; par conséquent la traduction ne peut se faire qu’en tenant compte de tous les opérateurs du texte et de son devenir dans ses prolongements les plus complexes. Ainsi, l’éthique de la traduction et du fait littéraire se base sur le respect de tous les acteurs du texte original et de ceux de la traduction, car les uns renvoient aux autres constamment et ne peuvent fonctionner indépendamment les uns des autres, réciprocité et reconnaissance obligent. Si l’éthique est une solution pour éviter la prédominance du parti-pris, elle pose à son tour le problème de la fidélité et de l’infidélité de toute traduction.

Publications





sadiq abdelhaï


Marrakech, Regards d’hier et Impressions d’Aujourd’hui, Marrakech, Chatr, 1996.

Actes des Travaux de l’Unité de l’Animation Culturelle (sous la direction) FLSHM, 2004.

Protest Song Marocaine : Nass el Ghiwane, Marrakech, 2006 (épuisé).

Nass el Ghiwane, Protest song au Maroc, éd. Chatr, Marrakech, 2011 (épuisé).

Au Pays du Paradoxe -Maroc-, Tranchant de Lunel, Paris, 1924, réédition, Marrakech, 2011.

Les Gnomes de Sidi Abderrahman el Medjedoub, Comte Henry de Castries, Paris, E. Leroux, 1896, réédition, Marrakech, 2013.

Nass el Ghiawne, 40 ans de chanson protestataire marocaine, Marrakech, 2014.



*Point de vue sur la traduction poétique, in Revue Pirate(s), Paris, 1986.

*La traducritique, in Turjuman, Tanger, 1994.

*D’une rive à l’autre : l’errance du traducteur (l’enfant de sable de T.Benjelloun à M.Chergui). FLSHM, 1994.

*La méditerranée, espace de traduction, in L’imaginaire méditerranéen, Paris, Maisonneuve & Larose, 2000.

*Le désert monothéiste, désert brûlant, Université de Bourgogne, Dijon, 2002.

*Le sujet-traduisant : D.Masson, H.Boubakeur A.Chouraqui, in actes colloque, IFM, 2007.

*Du discours paratraductif en France : les traductions du Coran en exemple, Bordeaux, PUB, 2007.

*Traducritique du Coran, Artois Presses Univeristé, Traductologie, Arras, 2007.

*Littératures francophones en traduction : enjeux et perspectives, in Transmission et théories des littératures francophones, Bordeaux, PUB/Jasor, 2008.

*Les traductions françaises du Coran depuis 1646 et leur influence sur le débat orientaliste en Occident, in Traduire l’orientalisme en arabe, Bordeaux, Fondation du Roi Abdelaziz, Bordeaux, 2012.

*L’auteur et ses traducteurs ou la parole errante : les quatrains de Sidi Abderrahmane el Mejdoub. in L’écrivain face à la traduction : préface, traduction et critique, Publications de l’université de Gafsa, 2013.

*L’autre dans la chanson protestataire marocaine (1975-2005), in L’autre et ses représentations dans la culture arabo-musulmane, Bordeaux, PUB, 2014.



Point de vue sur la traduction (I)



   



   Abdelhaï  SADIQ
   
Marrakech, 2013/2016.
S3. FLMSH.


 
Les textes rassemblés ici sont destinés aux étudiants de la filière études françaises, semestre 3, Initiation à la traduction. 2013-2015. Université Cadi Ayyad. Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Marrakech. Maroc

 


De nos jours le terme traduction s’entend de multiples façons, il convient donc d’en apprécier les divers usages. De manière générale il désigne le texte traduit dans une autre langue appelée, selon les tendances, langue d’arrivée ou langue cible, par opposition à ce qu’on appelle communément l’original, langue de départ ou langue source. D’autre part, il s’agit de l’activité qui consiste à faire passer le texte d’une langue à l’autre, il s’agit là du sens dynamique opération traduisante contrairement au premier emploi qui fait référence au résultat qui appelle une réflexion appréciative ou évaluative, et que nous appelons activité traductive.
   Par ailleurs, le terme est employé métaphoriquement et se trouve appliqué à des situations étrangères à la traduction proprement dite, comme cette toile traduit bien les intentions et les obsessions du peintre, il s’agit là d’un détournement de sens, qui n’est toutefois pas si gratuit ou fortuit qu’il peut paraître ; les notions d’actualisation et de création littéraire apportent un éclairage sur ce point.

*****

Dans le Robert, traduire est défini comme : faire que ce qui était énoncé dans une langue le soit dans une autre, en tendant à l’équivalence sémantique et expressive des deux énoncés. En anglais, to translate signifie: express the sens of (word, sentence, speech, book, poem…) in or into another language; in or into another form of représentation. En espagnol traducir signifie expresar en une lengua lo dicho o escrito en otra. Mudar, convertir. Fig. explicar, interpretar.En allemand, übersetzen signifie : in eine andere Sprache Üvertragen ; einen Satz, Text wôrlich, sinngemâB.
   Tout d’abord en ce qui concerne le français et l’espagnol, il est signalé que traduire  et traducir  viennent du latin traducere (faire passer), mais le français se rapproche du latin par l’emploi de l’expression  faire que ; les définitions anglaises et espagnoles placent l’acte de traduire dans sa phase finale, qui est d’exprimer. Par ailleurs, la définition française parle de l’équivalence sémantique et expressive, notions signifiant qu’autant dans l’acte de traduire (sens actif) que dans la traduction (résultat), la primauté/priorité est donnée à l’équivalent, celui qui a la même valeur ou fonction dans la langue-cible. Pour ce qui est de la définition allemande, elle fait apparaître de manière évidente la notion de faire passer, surtout avec l’emploi du terme übertragen utilisé pour exprimer übersetzen transporter, transmettre et transférer.
L’opération traduisante consiste donc à transporter, transférer ou faire passer un texte, un poème ou un discours … d’une langue à une autre. Il s’agit en outre, au regard de la formulation des diverses définitions, que traduire  met en œuvre essentiellement une opération interlinguale ou langagière. Certes il serait dénué de sens de vouloir passer sous silence cette tendance langagière dans la définition du traduire. Cependant, dans la perspective d’une réflexion sur la traduction, il conviendrait d’aborder le problème à la lumière de notions autres que celle de langue, car dans l’état actuel des recherches en sciences humaines, il n’est nullement pertinent d’enfermer la traduction dans le concept de langue/langage ou ceux qui gravitent autour.

CURRICULUM VITAE





Nom  et prénom :  SADIQ ABDELHAI
le 11 janvier 1962 à Marrakech.

Enseignant-chercheur depuis 1990.
Département  de Langue et Littérature Françaises
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. Marrakech
Université Cadi Ayyad.
Grade : Professeur  Habilité depuis le 8 mars 2003
Discipline : Littérature française
Spécialité : Traduction, traductologie, littérature comparée
Enseignements : Langue et littérature françaises / Littérature Comparée / Traductologie / Histoire des Idées et des arts / Les Métiers de la Culture / Les Métiers du Livre / Cinéma et Arts / Traduction.

Fonctions :
*Chef du département de Langue et Littérature Françaises :
-1996/1998 -1998/2000 -2001/2002 -2008/2012 -2014/2016
*Membre du Conseil de Faculté
-1996/1998 -1998/2000 -2001/2002 -2008/2012 -2014/2016
-2003/2005 (observateur en tant que responsable de l’Unité de l’Animation culturelle)
*Membre du conseil de coordination de l’établissement
*Membre de la commission pédagogique de l’établissement
*Membre de la commission chargé de la bibliothèque de l’établissement
*Membre du comité scientifique de la Revue de la faculté « Langue et Littérature »
*Coordonnateur de Modules (M7, M19 et M 23) (2010-2016)
*Directeur-adjoint, Laboratoire de recherche Culture, Patrimoine et Tourisme (2011/2015)
*Membre du laboratoire de recherche IMPACT
*Coordonnateur de l’Unité de l’Animation Culturelle  2001-2005
*Responsable du projet « Les rencontres universitaires des Arts de l’Oralité » (2001-2004)
*Responsable du Prix Cadi Ayyad de la Traduction (éditions 2003 et 2004)
*Responsable du Prix Marrakech de la Traduction (2005-2007)
*Chargé de plusieurs projets de coopération universitaire entre l’UCA et des universités françaises.
                    *Membre du comité d’organisation de la 1ère édition du (Festival International de Musique universitaire de Marrakech/FIMUM).
*Conseiller scientifique du Festival des Arts populaires de Marrakech
*Conseiller éditorial des Editions International Omniscriptum
*Directeur de collection aux Editions SARRAZINE & CO, Coll. UNIVRSITAIRES.

 

FORMATION


Diplôme
Nom et lieu de l’établissement
Domaine / spécialisation
Année
Baccalauréat
Lycée Voltaire, Paris.
Lettres/Philo (A4)
1981
Diplôme EHESS
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.
Anthropologie Culturelle
1985
Diplôme d’études approfondies
Paris-IV Sorbonne
Littérature Française (littérature comparée).
1986
Doctorat
Paris-IV Sorbonne
Littérature Française (littérature comparée).
1990