samedi 26 novembre 2016

Point de vue sur la traduction (II) De la traduction littéraire



    

 Abdelhaï SADIQ


 


 


Marrakech, 2013/2016.

S5. FLMSH.




Dans le processus traductif d’oeuvres d’auteurs tels que Kafka, Dante, Dostoïevski, Shakespeare, Hallaj, Khayyâm ou encore des textes sacrés tel le texte coranique, les traductions françaises dont nous disposons sont dans leur majorité réalisées par des traducteurs originaires de la culture réceptrice. Pourquoi en est-il ainsi ? La traduction serait-elle perçue comme une appropriation et non comme une offrande ? Dans ce sens, la traduction peut-elle prétendre à l’objectivité et comment ?
A la fois subjective par les choix et les démarches, et objective par les visées et les prétentions, la traduction se trouve être paradoxale. De là résultent d’autres interrogations. Quelle attitude avoir face au texte à traduire ? Quel est ce parfait traducteur auquel pourrions-nous faire confiance ? Quel rapport peut-on avoir avec les textes de départ et d’arrivée ? Enfin, sommes-nous en mesure de juger une traduction, et si cela est possible voire pertinent, selon quels critères d’appréciation et d’évaluation un tel travail est possible ? C’est à cet ensemble de questions et à d’autres que le parcours que nous proposons apportera quelques éléments de réponse, sachant que la problématique traduction touche et puise dans toutes les disciplines des sciences humaines, sociales voire scientifiques.
De notre point de vue, traduire signifie, être à l’écoute de l’étranger incapable de goûter l’original d’une part, et être attentifs aux prouesses que les langues de départ et d’arrivée peuvent réaliser, se faisant étrangement échos, chacune à elle-même, et dialoguant entre elles à travers leurs mouvements et leur imprévisibilité, d’autre part.
Ce rapport de réciprocité entre original et traduction, entre langues de départ et d’arrivée tout en visant une certaine reconnaissance mutuelle, reflète étrangement le rapport auteur/création au sujet duquel J.L.Borges écrivait  Je compris à la dernière page, que mon récit était un symbole de l’homme que je fus pendant que je l’écrivais et que, pour rédiger ce conte, je devais devenir cet homme et que, pour devenir cet homme, je devais écrire ce conte, et ainsi de suite à l’infini (1986). Dans ce sens la traduction comme la création n’est que répétition et interprétation, la première sauvegarde une partie plus ou moins importante de l’original, la seconde donne à la parole une vie qui déborde l’instant et le lieu où elle a été prononcée ou transcrite (Steiner,1978).
A l’aide des opinions des uns et des théories des autres, illustration sera faite des aspects les plus importants de la démarche traductive et de  l’opération traduisante  ainsi que des interrogations qu’elles suscitent. Selon Goethe le parti-pris est la vertu de l’homme d’action, certes, mais ici dans le labyrinthe que représente le penser traduire, on ne peut objectivement proclamer que telle théorie ou telle méthode est meilleure que telle autre.
Aussi, il est important de poser, de prime abord, la problématique de la traduction et du traduire d’un point de vue terminologique, d’un point de vue historique, et du point de vue des théories qui tentent de l’éclairer.
La traduction est métaphore de l’écriture, oui. Il y a une différence entre traduction et interprétation, oui. La traduction est un art, oui également. Néanmoins, pour ce faire, elle a besoin d’une éthique globale plus que du déontologique, qui, corporatisme aidant, a largement nuit à la réflexion traductive placée ainsi dans le clivage qui l’inscrit en termes de parti-pris.
La prédominance de l’auteur ou celle du lecteur se concrétisant par l’élaboration de stratégies traduisantes et traductives en faveur de l’un ou de l’autre n’ont pas réellement lieu d’être car le texte n’a d’existence réelle et d’opérationnalité effective que grâce aux deux ; par conséquent la traduction ne peut se faire qu’en tenant compte de tous les opérateurs du texte et de son devenir dans ses prolongements les plus complexes. Ainsi, l’éthique de la traduction et du fait littéraire se base sur le respect de tous les acteurs du texte original et de ceux de la traduction, car les uns renvoient aux autres constamment et ne peuvent fonctionner indépendamment les uns des autres, réciprocité et reconnaissance obligent. Si l’éthique est une solution pour éviter la prédominance du parti-pris, elle pose à son tour le problème de la fidélité et de l’infidélité de toute traduction.

Au sujet de la traduction d’un passage du Talmud, E. Levinas s’interrogeait sur les règles de comportement du traducteur face au texte sacré en posant le problème de la capacité de la traduction des Ecritures à conserver et à restituer les vertus religieuses de l’original en étant apte à assurer au fidèle le rayonnement qui anime l’original et à confirmer l’identité (…) du fidèle (1988, p.48). Cette interrogation sur la capacité de la traduction à restituer le message originel peut être inversée à savoir  si le texte sacré est capable de supporter le voyage vers une autre langue puisque son universalité est son apriori même.
On parle, ici et là, de la traduction infidèle. Qu’est ce qu’alors une traduction infidèle,  sinon, tout compte fait, un détournement de texte. Néanmoins, ne se laissent détourner que les mots mineurs, les textes mineurs, en quelque sorte les textes qui ne relèvent pas plus d’une tradition que d’une visée universelle ; bref, ceux qui n’ont ni genre, ni forme, ni caractère, ni personnalité. La question posée est celle de la place du texte dans la culture productrice et dans la littérature dite universelle. Incontestablement il y a une hiérarchie littéraire. Tous les textes n’ont pas le même statut, même s’ils découlent tous de la création.
    Cependant, quels sont les critères qui nous permettent d’évaluer les dynamismes d’un texte dans leurs présence ou absence mis en œuvre par les faits traductionnel et traductif ? Est-ce sa capacité à supporter le voyage à travers le temps ? Est-ce la personnalité ou les lettres de noblesse de son auteur, ou encore la place qu’occupe, sur la scène internationale, la culture productrice ? Questions parmi tant d’autres.
  Il n’est guère aisé de répondre avec précision à toutes ces questions ; néanmoins, une chose est sûre, un texte est indissociable de ses contextes, et ceux-ci sont à prendre en considération dans tout acte de traduction. Toutefois, la prise en compte de cet élément exige de la prudence car, dans le cas de la traduction, il est multiple (interne, externe et cible) d’une part, et par ailleurs, s’agissant d’une langue étrangère, celle-ci  ne fait-elle pas retentir dans le texte traditionnel, transmis avec tant de soins, les échos des mondes étrangers ? Ne l’introduit-elle pas, imprudemment, dans des contextes qui fausseraient, ou du moins, transformeraient le sens initial et souverain d’un message essentiel. (E. Levinas, idem). Bien qu’il s’agisse là d’un texte sacré, nous pensons que ce qui est pertinent pour ce genre de textes, l’est également pour Dérive sur le Nil[1], Lancelot ou le chevalier à la charrette[2], Gargantua[3], Le procès[4], Anna Karénine[5],Les Amours interdites[6], Ulysse[7], ou encore les Particules élémentaires[8].
    Quel comportement doit donc avoir le traducteur face au texte à traduire ? Qu’il s’agisse d’un texte sacré ou d’un texte littéraire fondateur, l’éthique du rapport à l’autre (auteur-langue-culture-civilisation) doit être privilégiée dans une hiérarchie certes influente, mais pas déterminante. Ainsi, les traducteurs ne manquent pas de justifier leurs posture par des présentations, qui ne sont en réalité que ce qui était appelé aux XVIIe et XVIIIe siècles l’Excusation. En guise d’exemple, regardons brièvement les propos de Masson pour ce qui est de sa traduction du Coran (1967), et de J.Darras pour la dernière traduction de Under the volcano de M. Lowry (1987).
   Pour D.Masson, il s’agit, tout en restant très proche de l’arabe, de maintenir dans la mesure du possible les qualités de clarté et d’élégance de la langue française. La traductrice a tenté dans sa traduction de concilier autant que possible les exigences des deux langues, sachant très bien qu’il s’agit là d’une entreprise fort difficile dans le sens où la langue arabe sacralisée par le Coran exige le décentrement de la langue française et non le contraire. Ici la question de la traduction ne se pose plus, et à juste titre, en terme de fidélité ou d’infidélité, mais en terme d’exactitude de la pensée originale voire originelle dans la langue d’accueil, et l’exactitude de la langue d’accueil exprimant la puissance de la pensée de l’original.
Pour ce qui est de J.Darras, celui-ci, dans son introduction, critique la traduction de son prédécesseur (le traducteur, 1948) du roman de M. Lowry, selon lui, Il fallait tout revoir, à commencer par le titre. Sous le volcan me semble plus aérien, plus léger que l’ancien titre, dont la lourdeur s’accordait mal à la musique de Lowry. Ce romancier, d’ailleurs, insiste fortement sur l’épreuve du gueuloir  à laquelle il a soumis, comme Flaubert, la moindre de ses phrases. C’est cela qui m’a le plus guidé pour cette nouvelle traduction. (…) En fait, les douze chapitres du Volcan ressemblent à douze fenêtres, avec une syntaxe qu’il fallait absolument retendre, car c’est en anglais à la fois souple et ferme. Toute la difficulté de traduire Lowry est là. Ainsi, justifiant sa traduction, ses choix et ses priorités, il place le problème au niveau des imprécisions, des contre-sens et des déformations de la précédente traduction, allant même jusqu’à donner des exemples précis, principalement concernant la fameuse phrase qui revient tout au long du roman a corpse will be transported by express ! dans la première traduction, elle est rendue par un cadavre va être expédié par express ! dans la sienne parles morts voyagent toujours en express !. Cette traduction rend à la phrase, il est vrai, tout son impact, et toute sa portée. Mais, ne s’agit-il pas là plus d’une actualisation traductive que de traduction à proprement parler.
   Ces deux exemples nous montrent quelques aspects des précautions que prennent les traducteurs face aux textes sacrés et face aux grands textes littéraires. Cependant, et dans les deux cas, la visée est la même, l’universalité. Et si celle-ci est possible par le contenu, elle l’est moins par la forme, car le passage d’une langue à l’autre, d’une civilisation à l’autre, le voyage n’est possible qu’aux dépens de l’une ou l’autre, le message ne risque-t-il pas d’en pâtir.
   Que faut-il faire ? Considérant la traduction comme création littéraire, il est certain qu’on peut parvenir à atténuer les hésitations qui jalonnent autant l’opération traduisante que la réflexion traductive.
   A notre avis, la traduction est avant tout une Actualisation, elle s’inscrit dans un cadre temporel si ce n'est dans une historicité. Un texte, quels que soient sa nature, son émetteur et son récepteur, dépend du temps et de sa capacité à profiter des avantages de celui-ci ou à subir ses aléas, car le temps peut constituer une barrière plus infranchissable que la différence linguistique (G.Steiner, 1978). En outre, traduire/actualiser c’est réécrire  un texte où modes et goûts du jour ne doivent pas être prioritaires tout en étant pris en compte; c’est la saisie du virtuel susceptible de devenir concret dans l’autre langue. C’est ce rapport, création littéraire et traduction, actualisation et traduction présentées dans leur conjugaison qui aide à comprendre les mécanismes du traduire et de la traduction.
   Dans une autre perspective, non moins pertinente, nul n’ignore qu’une partie des études comparatistes ne peut se faire qu’à l’aide de traductions. Il n’est pas donné à tous d’être polyglottes pour étudier l’importance de Voltaire en Allemagne et en Angleterre, ou celle de Dante en France et en Espagne, ou l’influence du romantisme allemand sur la littérature française, italienne et anglaise.
Aussi, faire en sorte que réflexion traductive et littérature comparée soient complémentaires permettrait de voir dans quelle mesure une analyse  comparée des traductions (ou traducritique) serait possible pour une étude spécifique de l’œuvre littéraire traduite au moins deux fois ; et si c’est plus, nous pourrions proposer ce que nous osons appeler transtraduction ou traduction synthétique (traduction synthèse).
  Dans cette perspective, la comparaison des traductions est simultanément et systématiquement associée à l’étude de l’original. Nous sommes ainsi renseignés  sur le fonctionnement de l’original et sur celui des traductions. Cette démarche associe explication de texte, analyse formelle du genre et  critique littéraire.
   En résumé, l’analyse comparative se base sur l’étude des procédés de traduction, tout comme la critique littéraire, qui, elle, s’occupe des procédés de création littéraire et du fonctionnement du texte. En cela, les deux démarches sont similaires, la traduction serait-t-elle et avant tout une forme de critique littéraire et ne s’occuperait-elle, il est vrai, que des textes étrangers traduits au moins deux fois dans la même langue par deux traducteurs différents, l’un appartenant à la culture de l’original, le second à la culture réceptrice ; les deux appartenant à la culture productrice ou inversement ; nous pourrions même mettre en avant le genre (masculin/féminin) ce qui renverrait à celui du producteur de l’original…nous voyons là que plusieurs combinaisons sont possibles, voire pertinentes.
   Le terrain d’investigation de ce que nous appelons traducritique  est à-priori vaste et sans limite dont l’intérêt est d’apporter un éclairage nouveau où l’œuvre littéraire traduite peut être étudiée dans ses spécificités propres. Celle-ci, à travers l’analyse des traductions, nous renseigne simultanément sur l’original, sur les traductions successives et chemin faisant sur les mécanismes et modalités des attitudes lectorales qui font du lecteur de traductions un lecteur différencié des autres lecteurs.
Nous proposons donc dans les pages qui suivent un survol théorique contributif à la réflexion sur la traduction dans son immense complexité sous des angles différents à la fois définitoires et analytiques.























Les embuscades du texte.

La question du comment traduire est au centre des réflexions sur la traduction, et  aucune des réponses proposées ne peut prétendre à l’opérationnalité, car le recours à telle ou telle discipline pour élaborer un processus traduisant et traductif passablement objectif se heurte à l’imprévisibilité du texte.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit, à notre avis, de la rébellion latente qui parcourt continuellement toute écriture et toute lecture. Aussi, lorsqu’un texte est soumis au traduire, concrétise l’imprévisibilité du texte original et l’imprévisibilité de la langue d’accueil à la fois. Par ailleurs, l’imprévisibilité est cette dynamique que le texte contient en lui de pouvoir fuir infiniment la parole grégaire (celle qui s’agrège), quand bien même elle cherche à se reconstituer en lui ; il repousse toujours plus loin, il repousse ailleurs, vers un lieu inclassé, atopique, si l’ont peut dire, loin des tapoï de la culture politisée, -cette contrainte à former des concepts, des espèces, des formes, des fins, des lois… ce monde des cas identique-, dont parle Nietzsche ; il soulève faiblement, transitoirement, cette chape de généralité, de moralité, d’in-différence, qui pèse sur notre discours collectif, (Barthes, 1978, p.34), représenté qu’on le veuille ou non dans le texte original et par le « pourquoi traduire » et ses stratégies, que révèle la traduction.

Un texte voyage d’une langue à l’autre, et révèle autant sa spécificité que sa capacité à supporter le voyage, certes, l’élément absolu qui fait voyager un texte révélant son imprévisibilité principalement dans le cas de la poésie n’est autre que ce que H.Meschonnic appelle (rythme, oralité, vocalité), et Borges nomme Word’s music : la musique verbale. (in Europe, 1985)  qu’il s’agirait de rendre dans la traduction d’un poème.
    La priorité est à donner à la musique verbale. Laissons de côté le sens, et ne nous attachons qu’à cette étrangère musique verbale à traduire. Si seule la mélodie verbale compte, alors le message verbal importe peu. Que respecte t-on alors à travers cette démarche ; l’auteur, le lecteur ou le texte ? Aucun des trois éléments n’est entièrement respecté. Dans cette perspective, traduire devient un exercice de style, un jeu narcissique, rien de plus.
    Mais alors, où est passé le texte dans sa sémantique qui ne peut être perçue et saisie que grâce et par la rythmicité ?
    Faut-il donc traduire ou adapter ? Faut il privilégier la littéralité, c’est à dire le respect des structures du texte, ou privilégier la littérarité, c’est à dire la qualité littéraire du rendu en une autre langue par exemple ?
    Pour notre part le comment traduire ne se pose pas en termes de priorités, de rapports de force, mais en termes de compromis ou paradoxalement la subjectivité traductive supplante la supposée objectivité recherchée.













Traduction et création littéraire

Je m’apercevais que pour exprimer mes impressions, pour écrire ce livre essentiel, le seul livre vrai, un grand écrivain n’a jamais, dans le sens courant, à l’inventer puisqu’il existe déjà en chacun de nous, mais à le traduire. Le devoir et la tâche d’un écrivain sont ceux d’un traducteur (Proust, 1927, p.37).
   Au delà de la métaphore utilisée par Proust mettant au même niveau traducteur et écrivain par le lien de la création, il y a cette idée importante que le livre essentiel existe en chacun de nous et qu’il suffit de le traduire.
   Concrètement, traduire un texte, de par la démarche même, est une création littéraire avec tout ce qu’elle implique comme souffrances et comme contradictions. Le choix de la part du traducteur d’un terme plutôt que d’un autre ressemble à la situation de l’écrivain qui fait choix de telle formulation et non de telle autre pour exprimer une idée, décrire une situation, ou encore créer une impression.
   L’écrivain exprime le virtuel, le traducteur re-exprime ce même virtuel dans une autre langue. Il fait acte de création à son tour. De même qu’on ne traduit pas les mots mais ce qu’ils expriment, de même qu’on ne traduit pas les termes mais ce qu’ils traduisent. Dans ce sens, et comme l’exprimait Proust, à juste titre, créer et traduire sont une et même chose.
Le traducteur dans son rapport au texte est exactement dans la même situation que l’écrivain face à ce qu’il écrit ou ce qu’il a à écrire. Tout écrit ou pensée écriture renvoie à soi au moins dans sa phase de déroulement. Il y a là une donnée fondamentale, c’est à soi que renvoie tout mouvement ou élan voué à devenir écriture dans le sens lisible, du traduisible ; aussi, c’est à soi même que la traduction renvoie, encore et toujours. Sa visée peut élire l’autre comme destinataire, mais dans le temps où elle se déroule, l’opération de traduction n’a toujours que soi même comme point de butée (E.Durand-Bogaut, 1987).
   L’écriture ou la traduction d’un texte, comme sa lecture, est, par ailleurs, l’affirmation du texte à travers l’un ou l’autre procédé. Si le texte donne réalité à l’écrivain par le moyen de l’écriture, c’est pour lui même qu’il se réalise à travers la lecture et la traduction. Aussi, si le texte s’affirme par le moyen de la traduction comme il l’est par la lecture, c’est qu’il recèle, au delà de l’affirmation des pouvoirs de la langue et de l’écrivain, le communicable. Lire ou traduire n’est pas obtenir communication de l’œuvre, c’est faire que l’œuvre se communique (M. Blanchot, 1955), dans sa totalité.
   Il est dont clair que création littéraire et traduction sont intimement unies pas lien de réciprocité. En révélant ce livre originel qui est en nous, nous traduisons le commun en propre, nous concrétisons le virtuel par appropriation, et lorsque nous traduisons, nous rendons au propre son caractère communautaire.
   Nous entendons par là que tant que nous n’avons pas écrit ce que nous pensons, l’idée est par essence communautaire, mais à partir du moment où elle devient signe, écriture, elle est propriété de son auteur de par la façon dont elle est exprimée, elle passe donc du commun non exprimé au propre rendu possible à la lecture. En traduisant cet exprimé (propre),  nous lui rendons son caractère communautaire, ne serait-ce que partiellement. Et plus les traductions se multiplient, plus le commun se concrétise dans ses infinis et ses prolongements.
 Nous pouvons dire que la création littéraire est fragmentaire dans un premier temps de  cet originel commun à tous, et que la traduction est unificatrice, car elle tend à recréer l’originel communautaire par le simple fait qu’il est communicable à/dans une autre langue.
   Dans cette perspective, la traduction, souvent taxée de corruptrice, est tout à fait l’opposé. Elle n’est nullement dissociative, elle est unificatrice. Son essence philosophique est de rendre l’universalité de la pensée humaine. Elle ne révèle pas à proprement parler la pensée, elle la confirme. Car, à notre avis, les cultures n’ont de différences que formelles, le fond est le même. Et c’est ce fond, commun  à tous, que la traduction valorise.
   D’aucuns diront que le but de la traduction est justement de révéler comment ce fond commun à tous les hommes et à toutes les cultures s’exprime dans chacune d’elles. Cette position sous entend qu’en s’attachant au fond, présumé commun à tous, la traduction n’a plus sa raison d’être. Ceci est en partie vrai. Cependant, si nous n’assignons à la traduction comme but que celui de traduire les formes, et celui de communiquer des messages, là aussi nous nous engageons dans une impasse.
   La forme ou le genre qu’emprunte un poète pour exprimer une idée ou un sentiment universel, est et restera local, c’est à dire propre au cadre dans lequel il fut créée et où il vit ; et vouloir traduire ce poème dans une autre langue, qui elle même possède ses propres procédés, serait inévitablement une traduction de l’angle sous lequel le problème est perçu et non celui du procédé stylistique employé.
    La traduction-création est à notre avis re-révélation de l’originel, à la fois re-formulation et re-création, qui ne se contente pas d’habiller différemment l’original, mais révèle cet Etymon, cette culture primitive (première) commune à toutes les civilisations.
   Pendant longtemps on n’a retenu de l’opération traduisante que son caractère expressif ; traduire voulant dire exprimer dans une langue ce qui a déjà été dit dans une autre. C’est pour cela, et quel que soit le parti pris, celui du lecteur ou celui de l’auteur, que la traduction était toujours entaché d’imperfection. Il n’est donc pas étonnant que la réflexion théorique tourne toujours autour du sens ou du style quelle que soit la formulation employée.
   Le rapport que nous avons établi entre traduction et création littéraire nous amène à dire que la traduction n’est plus à considérer comme une expression mais comme une création. Cependant celle-ci ne peut être perçue comme telle qu’à l’aide d’une double éthique : d’une part une éthique de l’art et de la littérature applicable à tout texte littéraire, et d’autre part une éthique du traduire, c’est à dire un certain nombre de règles dont la finalité n’est autre que la Cohésion, au moyen desquelles l’auteur est respecté et le lecteur également. La traduction n’est plus pensée au niveau des langues, des textes ou des œuvres, elle est à penser philosophiquement, éthiquement, et poétiquement.
  Traduction et création sont toutes deux révélation, car Si la création n’était pas révélation, où serait la finitude de l’écrivain et la solitude de la main abandonnée de dieu ? (…) Si l’écriture est inaugurale, ce n’est pas parce qu’elle crée, mais par une certaine liberté absolue de dire, de faire surgir le déjà là en son signe, de prendre ses augures. (…) Cette puissance révélatrice du vrai langage littéraire comme poésie, c’est bien l’accès à la libre parole, celle que le mot « être » et peut être ce que nous visons sous la notion de « mot primitif » ou de « mot principe » délivre de ses fonctions signalisatrices. C’est quand l’écrit est défunt comme un signe signal qu’il naît comme langage (Derrida, 1967).
  Ainsi créer et traduire ne sont qu’une et même chose, l’un comme l’autre révélant la parole première, la parole originelle, celle qui avant de faire écho à l’écrivain ou au traducteur se fait écho à elle-même en prouvant son existence et son pouvoir en dehors des signes, en dehors des ponctuations ; mais qui sans tout ce décor ne saurait se mettre en scène et jouer le rôle qui lui incombe depuis l’aube des temps.





























Traduction/Actualisation.

   Vu la rareté des travaux, sur le rapport traduction/actualisation, il nous a paru intéressant d’exploiter cette voie et de nous interroger sur cette notion d’actualisation pour une redéfinition de l’opération traduisante.
   Toutefois, avant de voir en quoi consiste l’aspect actualisant de l’œuvre littéraire par le biais de la traduction, quelques traits définitoires sont nécessaires du fait littéraire. Les éléments, auteur, traducteur et critique seront ultérieurement présentés.
   Un texte n’a de réelle présence que dans la mesure où il est lu, contenant une lisibilité performative transmissible et transférable en autres langues. La lecture montre à la fois qu’un texte est imprévisible et qu’il n’est pas un objet existant en soi qui agirait de la même manière tout le temps et face à toute lecture. Pourtant un texte écrit, établi depuis des siècles, présenté à nous actuellement n’a pas changé de physionomie concrète et matérielle, la ponctuation et les paragraphes sont toujours à leur place. Qu’est ce qui a donc changé, puisque le message qu’il nous livre ou le discours qu’il nous tient aujourd’hui est dans la majorité des cas différent de celui qu’il avait donné hier, serait-ce le sens qui a subi l’épreuve du temps ou est ce que notre réception diffère de celle des lecteurs d’hier ou parfois de lecteurs voisins et vivant à la même époque que nous ?
   Assurément, la lecture est plurielle  et le lecteur se trouve être le véritable héros de la recherche littéraire, dont Reinhold Grimm dénombre trente huit types.
   La notion d’actualisation est indissociable de celle du contexte, comme le sont également le texte et le lecteur. U.Eco disait qu’un texte tel qu’il apparaît dans sa surface (ou manifestation) linguistique, représente une chaîne d’artifices expressifs qui doivent être actualisés par le destinataire. L’acte de lecture implique une actualisation qui concrétise son incomplétude, Il est un tissu d’espaces blancs, d’interstices à remplir, et celui qui l’a émis prévoyait qu’ils seraient remplis et les a laissés en blanc pour deux raisons ; d’abord parce qu’un texte est un mécanisme paresseux (ou économique) qui vit sur la plus value de sens qui y est introduite par le destinataire (…). Ensuite parce qu’au fur et à mesure qu’il passe de la fonction didactique à la fonction esthétique, un texte veut laisser au lecteur l’initiative interprétative, même si en général il désire être interprété avec une marge suffisante d’univocité. Un texte veut que quelqu’un l’aide à fonctionner (1985), dans ce sens, et sous le signe de l’actualisation, il apparaît qu’un texte appelle toujours à être complété par la lecture, plus encore, par la traduction à notre avis.
   Ainsi, la lecture/actualisation est, dans le sens d’U. Eco, interprétative. Certes, mais l’actualisation comme nous la concevons pour la traduction, est une série d’étapes qui se concrétise en fin de parcours par la traduction résultat. Il s’agit de l’analyse, de l’interprétation et de la création ; aussi, elle est de rendre actuel, d’adapter aux conditions actuelles ou encore de mettre à jour et de faire passer du virtuel au concret, de la puissance à l’acte.
   Ainsi, chaque fois que nous traduisons un texte, quel que soit le temps qui nous sépare de sa parution, nous faisons acte d’actualisation. Un texte n’est jamais statique, ou tributaire entièrement de son contexte dans le sens où celui-ci le figerait pour toujours. La lecture d’un texte est une actualisation, car elle implique intrinsèquement un certain nombre de rapports particuliers et privilégiés avec lui. Si lire ou traduire un texte c’est se reporter constamment à son contexte, pour pouvoir bien saisir toutes ses intentions, il faut également le penser capable d’avoir une place actuelle, son actualité est paradoxalement passé, présent et futur, simultanément et systématiquement, ce qui est susceptible d’en faire une œuvre littéraire. Toute œuvre littéraire est avant tout et au départ un texte littéraire, par contre un texte littéraire n’est pas destiné automatiquement à devenir ou à préfigurer l’œuvre littéraire.
   Schématiquement, et du point de vue temporel, est texte littéraire tout écrit utilisant les ressources d’une langue donnée pour créer une situation, un climat, une atmosphère en usant de procédés formels (genres), structurels, rhétoriques, propres, à première vue, à sa culture. Est œuvre littéraire toute production littéraire, roman, pièce de théâtre, nouvelle… qui a su subsister après l’action et su résister aux assauts du temps et des modes.
   Certaines pièces de Racine ou de Molière comme Andromaque ou Phèdre, L’école des femmes ou l’Avare sont étrangement d’actualité, car elles collent à notre réalité, sous d’autres habits, utilisant d’autres procédés rhétoriques. Phèdre ne nous éblouit-elle pas par certaines de ses répliques, surtout quand elles sont dans la bouche de Silvia Montfort ? Nous nous demandons avec stupéfaction qui a changé, est-ce le texte, est-ce nous, ou est-ce tout simplement la mise en scène ? En réalité, ni nous ni le texte n’avons changé : c’est la mise en scène.
L’actualisation passe donc par cet effet de prisme qui nous fait croire que nous sommes à deux cents ans de distance et que le texte a voyagé sans trop de dommage jusqu’à nous.
   Par ailleurs, si le Bourgeois Gentilhomme nous interpelle encore, c’est parce qu’il a supporté le voyage d’une époque à une autre, car Molière en écrivant cette pièce n’était pas avant-gardiste, et encore moins un visionnaire. Ses pièces traduisaient une réalité humaine universelle, commune sous diverses manifestations à toutes les époques dans l’histoire d’un pays, sinon à toutes les nations.
   Actualiser a toujours été assimilé, à tort, à dénaturer, mais ne se laisse dénaturer que l’inessentiel, le non pertinent. Tout texte possède une capacité plus ou moins grande à résister aux assauts du temps et des hommes. Les textes sacrés, et certains grands textes de littératures connues ou moins connues, comme Œdipe Roi de Sophocle qui inspira Gide par exemple, le Genji Monogatari des Japonais, ou encore les Mille et une nuits, ont su résister au temps et aux tentatives de falsification. Certains diront que ce sont là des textes/oeuvres mythiques. Certes, mais un auteur n’est jamais destiné à la postérité a priori. Ce qui nous montre que le plus important est la capacité du texte à résister aux tempêtes qui jalonnent la traversée des siècles.
   J.L.Borges ne disait-il pas dans des propos prêtés à Averroès que le temps qui mine les palais enrichit les vers. Celui de Zuhair, quand il l’écrivit en Arabie, servait à confronter deux images : celle du chameau vieilli et celle du destin. Répété aujourd’hui, il sert la mémoire de Zuhair et confond notre affliction avec celle du poète mort. La figure avait deux termes, maintenant elle en a quatre. Le temps argumente le contenu des vers et j’en sais qui, à l’égal de la musique, sont tout pour tous les hommes (1986).

Le temps argumente le contenu du vers.

 Toutefois, il le fait de deux manières : celle dont parle Borges lorsqu’il évoque la multiplicité de l’emploi du vers qui engendre la multiplicité des sens et donc d’interprétations de la figure, mettant le chameau et le destin sur le même plan. Cette manière confirme le rôle de l’actualisation. La seconde manière dont le temps -à travers les acteurs que nous sommes- augmente le contenu du vers, est la multiplicité des lectures qui, dans ce cas, ne fait pas perdre au vers son sens premier, mais le perpétue en faisant recouvrir aux même mots une réalité plus vaste et appelle d’autres associations.

Toi aussi, tu es, ô palme,
 en terre étrangère.

Singulier privilège de la poésie : des mots écrits pas un roi qui regrettait l’Orient me servirent à moi exilé en Afrique, pour exprimer ma nostalgie de l’Espagne (J.L.Borge, 1986). Singulier privilège en effet que celui de la poésie, qui peut traverser le temps, voyager de pays en pays, épouser telle ou telle langue sans perdre de sa fraîcheur ni de sa jeunesse. Cette parole première s’actualise d’elle même, elle est die reine Sprache (pur langage), l’habit importe peu : ce qui lui permet de résister à toutes les attaques et de parler toutes les langues c’est son pouvoir intrinsèque de dépasser les manipulations de et par les mots.

Actualiser, en littérature, ce n’est donc pas mettre au goût du jour, ni faire de l’ethnocentrisme en traduction. Entre la traduction cartpostalisante et la traduction ethnocentrique il y a un chemin que tout traducteur doit emprunter pour finir en cohérence et pertinence absolues. Actualiser en traduction est cette singulière capacité d’évaluer la traductibilité du texte autre, et de voir en quoi simultanément et sa langue et la nôtre suggèrent l’universalité inhérente au factum littéraire, autrement dit, il s’agit d’actualiser l’essence permanente de notre propre langue qu’il a en lui, nous interpellant ainsi doublement. Traduire/Actualiser chemine vers la création d’un texte qui formulerait le lien existant entre deux langues et par-delà les langues elles-mêmes, et faire passer le message virtuel senti dans notre langage mais exprimé par l’autre, pour aboutir en fin de parcours à notre langue.

Toute parenté supra-historique entre les langues repose bien plutôt sur le fait qu’en chacune d’elles, prise comme un tout, une chose est visée, qui est la même, et qui pourtant ne veut pas être atteinte par aucune d’entre elles isolément, mais seulement par le tout de leurs visées intentionnelles complémentaires ; cette chose est le pur langage (W.Benjamain, 1923/1971). Certes, mais cette approche vestige d’avant la tour de Babel, sert et discrédite à la fois la réflexion sur la traduction.
   Si traduire est d’atteindre ce non dit – le non manifesté en surface – dont les mots (sens et signe) ne sont que le voile apparent destiné à la consommation /communication ; la différence des langues est l’objet même de la traduction. Cruel dilemme que celui de la traduction qui tend à unir les langues dans un point supérieur (donc à affirmer que leur différence n’est qu’apparence) et ne tire sa raison d’être et sa légitimité que de cette différence même. En réalité la traduction a finalement pour but d’exprimer le rapport le plus intime entre les langues. Il est impossible qu’elle puisse révéler ce rapport caché, lui même, qu’elle puisse le restituer ; mais elle peut le représenter en l’actualisant dans son germe ou dans son intensité. (…) L’actualisation intensive, c’est à dire, anticipatrice, annonciatrice. Mais le rapport auquel nous pensons, ce rapport très intime entre les langues est celui d’une convergence originelle. Ici trois concepts sont avancés et demandent quelques éclaircissements : visée intentionnelle, pur langage et convergence originale.
   Pour la visée intentionnelle, distinguant la traduction de l’œuvre de la création littéraire, Benjamin montre que la visée intentionnelle de (la traduction) ne concerne jamais la langue comme telle, dans sa totalité, mais seulement de façon immédiate, certaines corrélations de teneurs linguistiques. Ce sont ces corrélations linguistiques, qui ne sont en réalité que la manifestation de corrélations pures entre deux langues, que la traduction doit saisir par le moyen de l’actualisation, et que la réflexion théorique sur la traduction doit prendre en compte même si leur mouvance est plus que vérifiée.
   Par ailleurs, la traduction n’a pour autre objet que de chercher et de parvenir à saisir le pur langage, lequel caché, fragmenté, non-dit même des mots. Cette sorte de pudeur du mot qui ne se met jamais au devant de la scène, qui ne s’exhibe jamais, laissant le signe la représenter, prendre corps pour elle et pourquoi pas induire en erreur. Ce pur langage qui ne se laisse pas enfermer dans l’ossature du mot et parfois même par le sens commun que le mot porte en lui, Cette ultime essence qui est là, le pur langage même, dans les langues, n’est que liée à du langagier et à ses variations dans les œuvres, elle porte le poids d’un sens étranger. La détacher de ce sens, du symbolisant, faire le symbolisé même, retrouver le pur langage structuré dans le mouvement langagier, tel est le violent et unique pouvoir de la traduction (Benjamin).
Pour la convergence originale, elle se manifeste dans le travail même du traducteur qui rachète dans sa propre langue ce pur langage exilé dans la langue étrangère. En faveur du pur langage, il fait sauter les cadres vermoulus de sa propre langue.
   Création littéraire, lecture et traduction sont une et même chose, c’est-à-dire une actualisation. En réalité une double actualisation du sens originel sous une nouvelle forme ou une forme avec un nouveau sens. Un nouveau contenu. Traduire Au-dessous du Volcan (M. Lowry, 1948) par Sous le Volcan (1987), c’est redonner à un contenu une nouvelle opérationnalité voire une nouvelle actualité, ne serait-ce qu’en actualisant le titre, est-ce à dire que l’œuvre l’a été ?
M. Blanchot écrivait, à juste titre, qu’il faut tenter de saisir dans l’œuvre littéraire le lieu où le langage est encore en relation sans pouvoir, langage du rapport nu, étranger à toute maîtrise et à toute servitude, langage qui parle aussi seulement à qui ne parle pas pour avoir et pour pouvoir, pour savoir et pour posséder, pour devenir maître et se maîtriser, c’est à dire à un homme fort peu homme (1959, pp.48-49). C’est la saisie de ce langage premier, originel, qui est le but de toute investigation littéraire. Au même titre que la critique littéraire ou la création littéraire, la traduction tente de saisir l’originel, le langage annonciateur. Elle tente de saisir le langage dans sa phase non formelle, où il n’est que pensée suggestive. Et cette saisie par le traduire s’accomplit en fin de parcours par l’actualisation, par ce pouvoir qu’elle a de déceler le virtuel et de le concrétiser dans un nouveau moule langagier.
   La traduction par l’actualisation livre le vrai langage saisi dans un texte écrit dans une autre langue qui offrira ses règles et ses manières d’être pour accueillir le message, le discours. Toutefois, la saisie de ce vrai langage, de ce pur langage, abolit-elle pour autant les différences ?
   La traduction n’existe que par les différences des langues et par les différences des modes de pensée. Tenter d’unir deux, ou plusieurs modes de pensée tout en révélant leurs différences, ressemble fort au chemin de croix.

N’arrachez pas au sol, proie de l’ennemi, une fille qui parle le vrai parler de la Grèce.

   Traduire une langue, c’est livrer son vrai parler à une autre langue. Traduire, c’est à la fois miner la tour de Babel et l’élever d’un étage. Blanchot, reprenant une idée de W. Benjamin écrivait que Tout traducteur vit de la différence des langues, toute traduction est fondée sur cette différence, tout en poursuivant, apparemment, le dessein pervers de la supprimer (1981, pp.69-71). Est-ce à dire que tout acte de traduction est entaché de perversité, si c’est oui, la création, la lecture, et la critique le sont… A quoi donc tout cela sert-il ? La visée ultime de toute traduction est de démontrer que nous parlons tous la même langue. La langue essentielle. Benjamin ne disait-il pas que les langues ont toutes la même réalité, mais elles ne l’expriment pas sur le même mode ?
   Le but avoué ou inavoué de toute traduction n’implique pas une tentative de faire disparaître les différences des langues –différences dont la traduction se nourrit et sans lesquelles elle n’a pas lieu d’être – mais de respecter les différences et les concordances selon une échelle de valeur basée sur l’éthique littéraire et sur une éthique du rapport à l’autre, où réciprocité et reconnaissance ne sont plus entre langues, textes et humains, mais entre « pulsions » scripturaires, lectorales et traductives.
   Si d’un côté nous poursuivons la saisie de ce langage originel, ce commun, propriété de tous, on n’abolit pas pour autant la singularité des langues n’est pas pour autant abolit. En vérité, la traduction n’est nullement destinée à faire disparaître la différence dont elle est au contraire le jeu : constamment elle y fait allusion, elle la dissimule, mais parfois en la révélant et souvent en l’accentuant, elle est la vie même de cette différence, elle y trouve son devoir auguste, sa fascination aussi, quand elle en vient à rapprocher orgueilleusement les deux langages par une puissance d’unification qui lui est propre (M. Blanchot. idem). Le caractère sacral de la traduction est sa puissance. Car, n’a-t-elle pas pour objectif d’augmenter les performances des textes, des langues, des littératures ? Et n’a-t-elle pas pour visée de l’avenir de chaque langue, de chaque texte, de chaque œuvre littéraire. Une œuvre et une langue ne sont jamais figées et immobiles. Leur mobilité et leur avenir, c’est ce que la traduction révèle et exploite, car elle est liée à ce devenir, elle le « traduit » et l’accomplit, elle n’est possible qu’à cause de ce mouvement et de cette vie dont elle s’empare, parfois pour la délivrer, purement, parfois pour la captiver péniblement (M. Blanchot, idem).
   La traduction poursuit également le but de combler le supposé vide de la langue d’arrivée par l’apport de l’original qui met en confrontation la langue de départ et la langue d’arrivée, mais également deux modes de pensées, deux visions du monde en réalité.
   Cependant, il y a un danger résultant de la recherche du pur langage à traduire et en même temps du respect de la différence, c’est celui qui se concrétise par la création d’un troisième texte qui n’est ni ce qu’est l’original ni ce qu’il était destiné à être dans la langue d’accueil. On croit découvrir entre les deux langues une entente si profonde, une harmonie si fondamentale qu’elle se substitue au sens ou qu’elle réussit à faire du hiatus qui s’ouvre entre elles l’origine d’un nouveau sens (M. Blanchot. idem).
C’est ce qui s’est produit avec les travaux de Hölderlin qui fut fasciné par la puissance de traduire : les traductions d’Antigone et d’Oedipe furent presque ses derniers ouvrages au tournant de la folie, œuvres extrêmement méditées, maîtrisées et volontaires, conduites avec une fermeté inflexible par le dessein, non pas de transporter le texte grec en allemand, ni de reconduire la langue allemande aux sources grecques, mais d’unifier les deux puissances représentant l’une les vicissitudes de l’occident, l’autre celles de l’orient, en la simplicité d’un langage total et pur. Le résultat est presque terrible (M. Blanchot. idem). En effet, et c’est ce que Y.Chevrel disait en d’autres termes  « lire, écouter, voir, représenter une œuvre étrangère, c’est prendre le risque de se confronter à une parole qui ne m’est pas adressée d’emblée, de devoir envisager de répondre, peut être à des questions que je ne m’étais pas posées jusqu’alors et qui d’ailleurs ne me concernaient peut être pas (1989).























Littérature comparée/comparatisme et traduction.

De quoi s’agit il ?
 
    Indiscutablement la littérature comparée n’est pas la comparaison (Guyard, 1951), ni une simple description d’un rapport entre deux ou plusieurs littératures, et si crise il y a, elle est terminologique, ce qui faisait dire à Luiji Fiscolo Benedetto que le nom est équivoque et peu heureux, que c’est une discipline mal nommée. Pour ce qui est du comparatisme, il est l’étude de la littérature du point de vue international en se basant sur : influences, échanges, contact et relations (A.Marino, 1988), cependant, ne faut-il pas convenir que celui-ci ne peut se limiter à l’étude des littératures uniquement de ce point de vue, ni à l’étude des faits et des rapports entre ces derniers.
   Le positivisme, qui a fait fortune pendant longtemps surtout en France, considère la littérature comparée comme une branche de l’histoire littéraire (Etiemble, 1988), avec le primat du fait, son domaine exclusif est l’étude des rapports de faits, grâce aux méthodes historiques employées. Jean Marie Carré dans sa préface de La Littérature Comparée de M.F.Guyard définissait ainsi la littérature comparée : elle est une branche de l’histoire littéraire : elle est l’étude des relations spirituelles internationales, des rapports de faits qui ont existé entre des écrivains et des œuvres appartenant à plusieurs littératures. Elle ne considère pas essentiellement les œuvres dans leur valeur originelle, mais s’attache surtout aux transformations que chaque nation, chaque auteur fait subir à ses emprunts.
   Cette tendance était déjà critiquée à l’époque par Marcel Bataillon pour lequel la comparaison n’est qu’un des moyens de ce que nous appelons, d’un nom qui dit très mal ce qu’il veut dire, littérature comparée. Souvent je me dis que littérature générale vaudrait mieux, et puis, je vois aussitôt les inconvénients qu’il y aurait à adopter un nouveau terme qui ferait penser à des généralités et non plus à des rapports concrets entre œuvres vivantes (in Etiemble, 1988). Dans le même sens François Jost avance que la littérature comparée ne peut se limiter à l’étude des connexions entre auteurs et aux liaisons directes entre phénomènes littéraires (in Marino, 1988). Il conviendrait donc, dans cette perspective, de parler de littérature générale et comparée définie comme l’étude des coïncidences, des analogies ; la littérature comparée (au sens étroit du terme) est l’étude des influences, mais la littérature générale, c’est encore la littérature comparée (in Etiemble). Elle est, en outre une perspective d’étude de la littérature, une façon de procéder, une mise à l’épreuve d’hypothèses, un mode d’interprétations des textes.  Et ne peut être « réductible à la comparaison littéraire, et encore moins à la pratique de « parallèle » (…) elle correspond à ce que la langue allemande exprime en appelant la discipline (Vergleichende Literaturwissenschaft) science comparative de la littérature. Il s’agit fondamentalement d’une démarche intellectuelle visant à étudier tout objet dit, ou pouvant être dit, littéraire, en le mettant en relation avec d’autres éléments constitutifs d’une culture (Y.Chevrel, 1989).
En outre, elle est un art méthodique, par la recherche de lien d’analogie, de parenté et d’influence, de rapprocher la littérature des autres domaines de l’expression ou de la connaissance, ou bien les faits et les textes littéraires entre eux, distants ou non dans le temps ou dans l’espace, pourvu qu’ils appartiennent à plusieurs langues ou plusieurs cultures, fissent-elles partie d’une même tradition, afin de mieux les décrire, les comprendre et les goûter (Pichois, Rousseau, 1967).
   Outre Atlantique, le New Criticism ou ce qu’on appelle l’école américaine de littérature comparée, fait du texte, de l’œuvre littéraire le primat du comparatisme. L’approche littéraire critique et valorisante, laquelle admet, voire exige, des comparaisons sans rapport historiques, ainsi que des généralisations et des jugements de valeur (A. Marino, 1988, p.15).  R.Wellek, à la tête de cette tendance, fait une distinction entre l’étude de l’histoire des littératures comparées et l’étude comparée des littératures. Il ne conçoit pas le comparatisme sans critique et sans esthétique.
   Toutefois, l’acte critique de par sa démarche représente la synthèse de l’historique –histoire littéraire : correspondances et rapprochements temporels- ; du théorique –étude des concepts littéraires tels style, courants… Il est enfin du valorisant, c’est à dire du jugement critique qui ne peut se faire sans l’histoire littéraire et sans la théorie littéraire.
Aussi, devrions-nous nous interroger sur le fait de savoir si la littérature comparée doit être descriptive ou analytique critique ? L’investigation critique se fixe pour objet non seulement de relever les invariants des littératures, mais de s’occuper également du fonctionnement de ceux-ci, chacun dans sa spécificité. Si elle tend par le moyen de l’esthétique à des généralisations, elle s’occupe également d’étudier la spécificité de chaque littérature.
   La tradition comparatiste anglo-saxonne accorde à la critique une place importante dans l’approche comparatiste. René Wellek, aux Etats-Unis, conçoit celui-ci à la lumière des théories de la critique et de l’esthétique. Pour lui la critique est incluse dans tous discours sur la littérature (…) la théorie, la critique et l’histoire littéraire se confondent (in Marino, 1988, p.20).
   De l’autre côté, et dans le même sens, Etiemble, en France, dans Ouverture(s) sur un comparatisme planétaire parlait d’une littérature comparée qui, pour avoir un objet digne d’elle et des méthodes appropriées, associerait la méthode historique et l’esprit critique, les recherches d’archives et les explications de textes, la prudence du sociologue et l’audace du théoricien de l’esthétique (Etiemble, 1988, p.117), ajoutant, dans le même sens que R.Wellek, la littérature comparée se condamne à ne jamais devenir soi-même si les études historiques, que l’école française et l’école soviétique ont raison d’estimer, ne se proposaient pas pour fin suprême de nous rendre capables de parler enfin des littératures particulières, voire de littérature générale, d’esthétique et de rhétorique (Etiemble, 1988, p.112).
   Ainsi voit-on paraître en Europe des études d’esthétique comparée, et on commence à parler de poétique comparée. Etiemble, sur les traces de Bataillon, assigne à l’approche comparatiste, en parlant de poétique comparée de nouveaux objectifs : l’étude des formes littéraires et des genres littéraires. Nous nous acheminons donc vers ce que H.R.Jauss appelait l’élaboration d’une poétique, d’une rhétorique et d’une esthétique comparée (Jauss, 1981). Il s’agit donc d’élaborer une esthétique des genres (…) que ces genres, ces civilisations aient ou non des rapports de fait (Etiemble, année, p.).
   Le problème d’une théorie comparative n’est pas résolu pour autant, car, pour ce faire, le comparatisme doit intégrer la théorie de la littérature en général. Du point de vue des objectifs, ceux de la littérature comparée et ceux de l’étude théorique de la littérature sont les mêmes.
   Avant d’aller plus loin et de voir la place de la traduction dans la littérature comparée de manière générale, et quel profit la théorie de la traduction peut tirer des recherches comparatistes, tâchons d’éclairer certains concepts utilisés en littérature comparée et dont l’application dans la réflexion sur la traduction peut se révéler d’un grand intérêt.
   Nous n’avons pas la prétention ici de redéfinir ni de faire un panorama de la terminologie de la littérature comparée. Nous sommes comme beaucoup dans l’attente de la publication du vocabulaire technique de cette discipline sur lequel beaucoup de chercheurs travaillent actuellement. Nous reprenons ici les définitions, rencontrées au cours de notre recherche, des notions d’écart, cohésion et coïncidence d’une part et d’invariant et comparaison d’autre part
   La notion d’écart résulte d’une prise de conscience de la différence entre le langage de tous les jours et le langage littéraire (P. Brunel et…). Cette notion est souvent rattachée implicitement ou explicitement à la notion de norme. L’écart et la norme déterminent la valeur du mot par rapport à son emploi, et par conséquence dans un contexte donné.
   La notion de cohésion, à l’élaboration de laquelle le cercle de Prague et le New criticisme ont contribué par des voies relativement analogues considère la littérature comme une structure de signes. La théorie de la littérature est liée en effet à la sémiotique littéraire (P. Brunel, idem). Le texte est considéré comme une unité cohérente dont les composantes participent, à la construction du sens, à des degrés différents.
   Le concept de coïncidence selon P. Van Tieghem est une méthode qui rapproche intimement les idées, sentiments, tendances, les œuvres et les formes d’art analogues à travers les frontières nationales ou linguistiques (P. Brunel, ibidem).

Le procédé de la comparaison n’est pas spécifique aux études littéraires et n’est certainement pas né avec la littérature comparée, c’est un vieux procédé employé dans presque toutes les sciences, vu l’aspect pratique de son emploi, méthodologiquement parlant.
   Nous distinguons donc deux choses, la comparaison comme procédé d’investigation employé dans n’importe quelle discipline, et la comparaison comparatiste. C’est cette  deuxième conception qui nous intéresse ici, car notre démarche concernant la traduction ne veut pas reposer sur une simple comparaison des traductions d’un même texte, elle se veut également comparaison comparatiste dans un domaine primordial de l’activité littéraire. Cette distinction faite, regardons maintenant en quoi consiste la comparaison comparatiste à la lumière de la traduction, acte et réflexion.

     La démarche comparatiste et l’acte traductionnel sont les mêmes, car tous deux  partent de l’hypothèse qu’un œuvre n’est pas à considérer uniquement comme un absolu, mais aussi dans ses différentes concrétisations et ses mises en relation possibles (…) Ils supposent également que la rencontre de deux cultures permet de mettre en évidence certains éléments qui n’apparaîtraient peut être pas si l’étude était conduite à l’intérieur d’une seule culture (Y. Chevrel, 1989, p.190).
     Par ailleurs, la rencontre de deux cultures par l’intermédiaire de la traduction est une affaire de dosage, qu’il s’agisse de mots, de figures de style, de fragments ou de textes et de genre entier, toujours les traductions portent les marques du système intermédiaire : elles réalisent un dosage entre les schémas autochtones et les schémas étranges. Les principes du dosage –la sélection des textes et la méthode de traduction– mettent à nu le caractère clos ou fermé de la littérature réceptive, sa tolérance devant les systèmes de valeur qui font irruption (Lambert, 1989, p.157).
Il y a là dévoilement mutuel qu’autorise comparaison de traductions dont l’approche n’est pas uniquement binaire, mais peut être ternaire et plus, impliquant un constant va et vient entre l’original et les traductions, les traductions entre elles, et chaque traduction avec l’original révélant le résiduel constant qui soutend toute pulsion qu’elle soit créative, lectorale ou traductive.
   Telle est la thèse que nous défendons, et nous pensons que les recherches en traduction comparée doivent s’inscrire dans celles de la littérature comparée  et du comparatisme; si tel n’est pas actuellement le cas de manière décisive, nous avons au moins la consolation de voir depuis quelques années la place de plus en plus importante que les manuels de littérature comparée consacrent la réflexion sur la traduction. Et s’il y a eu un retard, c’est comme le dit Lambert parce qu’une des raisons majeures pour lesquelles les comparatistes ont longtemps abandonné l’étude des traductions au linguistes et aux traducteurs, c’est incontestablement leur crainte vis à vis des théories comme telles, surtout des théories non littéraires (idem, p.157).
  Pour terminer sur ce point, nous pensons que l’étude des traductions, c’est à dire l’étude de leur place, leur fonction et des transformations qu’elles entraînent dans les cultures – de départ et d’accueil – doit faire partie des études comparatistes car l’étude comparée des traductions demeure l’étude de la création, de la réception et du fait littéraire en général.




Traduction et théorie de l’invariant

Le comparatisme n’est donc pas uniquement cette recherche constante de l’invariant, il est également la recherche systématique et simultanée du variant. Il en est de même pour la traduction qui ne doit pas se contenter de mettre au premier plan l’invariant entre deux cultures. Le variant et le particulier de chaque culture -d’arrivée et de départ– doit aussi être mis en évidence pour produire l’équilibre et l’harmonie nécessaire à l’opérationnalité d’un texte traduit.

Il est incontestable que la traduction vise la saisie du pur langage, et au-delà, l’expression commune à toutes les littératures à travers les genres et les formes, en tenant compte de leurs particularités contextuelles et leurs spécificités créatives.
      Signalons cependant et de prime abord que la théorie de l’invariant –qui ne se contente pas uniquement de repérer quelques constantes comme la manifestation du romantisme ou du baroque dans certaines littératures, et de déterminer les coïncidences entre la tragédie grecque et le théâtre de l’ancienne Egypte entre autre -n’est véritablement opérationnelle dans les études comparatives, qu’accompagnée de son corollaire, le concept des écarts différentiels. Pour ce qui est des invariants ou aspects universels, Etiemble y voit, les avantages suivants : permettre de parvenir à une définition moins vague et, qui sait, tout à fait précise des principaux genres littéraires ; et de distinguer dans chaque genre, ce qui est l’essentiel du point de vue de la « littéralité » et les traits adventices, qui dépendent des circonstances historiques, politiques... montrant, surtout que malgré les différences dues à l’histoire, à la structure des langues, au dogmatisme religieux, certaines constantes existent, par quoi l’homme existe, oui l’homme, sous la diversité souvent stupéfiante des hommes, enfin, à partir des invariants, non pas certes d’eux seuls, et en cessant de privilégier (…) les seuls rapports binaires (…) les comparatistes et généralistes pourront ébaucher, à partir des rhétoriques, des stylistiques, des métriques les plus diverses, une théorie enfin plausible de la littérature (Etiemble,1978).
   Le point de départ qui permet la saisie de l’invariant est cette impression de « déjà lu » qui s’impose à nous ; par ailleurs, c’est la prise de consciences qu’il y a des similitudes, des parallèles, des analogies, des caractères communs entre deux ou plusieurs textes. Autrement dit, l’invariant serait un élément universel de la littérature et de la pensée littéraire, comme un caractère, un élément ou un trait commun du discours littéraire ou de la pensée littéraire (A. Marino, 1988).
   L’invariant, dans une perspective de littérature générale et comparée, apparaît comme l’élément essentiel pour définir et illustrer le permanent, l’essentiel, et partant, l’universel de la littérature, c’est l’élément clé du comparatisme théorique qui typologiquement se présente ainsi :
Il y a les invariants structuraux :
a)                  de l’œuvre littéraire (individuelle)
b)                 de la littérature (universelle)
Il y a les invariants relationnels :
a)                  Contacts entre les œuvres (individuelles)
b)                 Contacts entre les littératures (nationales)
(A. Marino, 1988, p.118).

    La recherche de l’invariant dans une œuvre littéraire peut fonctionner selon un schéma très précis qui va du particulier au général. Ainsi il faut déterminer :
1) l’invariant dans une seule œuvre.
2) Dans un seul mouvement dans lequel s’inscrit l’œuvre.
3) Dans plusieurs mouvements exprimés dans des genres différents au sein d’une même littérature nationale.
4) Dans plusieurs mouvements appartenant à plusieurs littératures nationales.
5) Dans tous les mouvements appartenant à toutes les littératures nationales d’une même période.
6) Dans tous les phénomènes appartenant à une littérature ou à toutes les littératures (A. Marino, p.123).
    L’invariant est donc perçu comme moyen généralisateur, qui permet d’édifier des points entre les littératures dans une visée universalisante de la littérature, dans une visée de la littérature tout simplement. Cependant, si l’on considère à l’aide de l’invariant que la littérature est un ensemble de constantes et de coïncidences entre littératures, ne serait pas littéraire ce qui ne rentre pas dans cet univers du commun, du général.
   Ici nous nous trouvons confrontés à l’éternel problème qui est de savoir si la littérature, à travers ses diverses expressions formelles, est universelle, commune à tous et si les différences ne sont pas langagières, ou bien si la littérature est l’ensemble des individualités exprimées, c’est à dire l’ensemble des différences.
   Doit-on, dans le but d’une théorie générale de la littérature, considérer celle-ci comme universelle et amoindrir les différentes expressions de cette même littérature dans chaque civilisation ? Cruel dilemme.
  Par ailleurs, ne conviendrait-il pas de parler de littérature(s) comparée(s) lorsqu’on compare des œuvres littéraires de langues et civilisations différentes et de dire « littérature comparée » lorsqu’on travaille dans les perspectives de poétique générale, d’esthétique générale ou de rhétorique générale ? Ce n’est là qu’une interrogation…
  
      L’invariant ne serait-il qu’un « alibi théorique » masquant le réel problème théorique de la littérature comparée ? Problème inhérent aux buts et à la démarche même de cette discipline. Car, si l’existence de la littérature générale et comparée n’est contestée par personne, celle-ci ne peut exister qu’en faisant de l’invariant et du variant, du concordant et du discordant, du commun et de l’individuel, ses deux piliers essentiels. Qu’il faille chercher l’invariant, personne ne le conteste, mais en quoi servirait-il seul une théorie générale de la littérature s’il n’est pas simultanément et systématiquement associé au variant et vice versa ? Sans ces deux éléments, il ne peut y avoir de comparaison comparatiste ni d’universalité de la littérature.
    Pour notre part, nous pensons quant à nous que l’universalité tire sa légitimité des particularismes et des différences, associés au communautaires et au constant dans toutes et au moins dans un grand nombre de littératures. Si littérature comparée il y a, elle ne peut se faire sans l’historiographie et sans la critique littéraire. L’attention à l’unique et l’attention au commun font la littérature.
     A. Marino reconnaît que l’invariant est structurellement à la fois permanent et transitoire. Mais pourquoi l’invariant aurait-il ce double privilège d’être à la fois durable et fugace ? Il ne peut être que permanent puisqu’il est par essence, si nous comprenons bien la thèse de Marino, constant et de commun. Par ailleurs, et si nous comprenons bien Marino, l’invariant contiendrait en lui le variant, ce qui serait un tour de force assez spectaculaire. L’invariant reste le permanent, le commun, et en face de lui il y a le variant, le particulier, l’individuel, cette charge qui fait que l’œuvre pensée est avant tout unique et individuelle et ce n’est qu’après qu’elle devient commune et universelle, à condition qu’elle recèle ce commun originel à tous, car autrement elle ne serait pas digne que l’on s’y attarde, et de fait qu’on la traduise.
   L’œuvre littéraire est à considérer de deux façons, originale, individuelle, unique et  non répétable ; ou la reproduction d’un commun qu’elle confirme et qu’elle construit en y contribuant, elle le répète.
    Toute œuvre littéraire est à la fois du commun et de l’individuel, elle est à la fois l’expression d’un individu, d’une langue, d’une culture et de toute une civilisation. Mais elle n’est pas uniquement cela, elle est également la reproduction d’un déjà dit, d’un déjà lu autrement, ailleurs, et peut être dans une autre langue. La finalité fondamentale de l’invariant, comme le dit Marino, est d’instituer un ordre de recherche qui, sans nier la réalité essentielle des éléments variables, ne s’intéresse, méthodologiquement parlant qu’aux identités et similarités, qu’aux éléments communs de l’œuvre (A. Marino, p.99). 
   Dans ce sens, l’invariant est un alibi méthodologique, car prioritaire, il n’analyse qu’un aspect du problème. On peut nous dire que l’étude des variants et des particularismes dans une littérature relève du travail de chercheurs en des domaines précis sur des littératures nationales. Certes, mais nous maintenons notre position qui consiste à dire que la littérature comparée est l’étude  des variants et des invariants entre deux, trois, ou plusieurs littératures, car le but de cette démarche est de saisir la littérature dans sa totalité à travers les dits et les non dits dans leurs expressions spécifiques et leurs convergences.
   Il est donc nécessaire de trouver un équilibre théorique et méthodologique pour parvenir à appréhender l’œuvre littéraire dans sa totalité et être réceptif à tout ce qu’elle peut nous dire, attentif à tout ce qu’elle a à nous révéler. Car, quand bien même serions-nous parvenus à une poétique, une esthétique et même une rhétorique générale, universelle, et quand bien même aurions-nous établi une théorie de la littérature, celle-ci serait incomplète si, au cours des investigations, nous avons mis de côté un des éléments importants de la littérature. Alors pourquoi ne pas mener de front les deux concepts et les exploiter systématiquement et simultanément dans l’approche de toute œuvre artistique ou, du moins, littéraire pour commencer.


























Critique de traductions ou traducritique.

    Un certain nombre de disciplines, et en premier lieu la linguistique, ont tenté de faire de la traduction un champ d’expérimentation des diverses théories ou branches en mal de reconnaissance au point où certains linguistes estiment que la réflexion sur la traduction relève de la linguistique en général. L’opération traduisante fut ainsi analysée par des concepts linguistiques. D’autres, comme la philosophie ou les études littéraires, destinaient la traduction à la fonction d’auxiliaire, à laquelle on fait appel soit pour la louer, soit pour la rendre responsable des erreurs d’interprétation d’œuvres philosophiques et littéraires entre autres.
   Notre conviction est que la traduction et la réflexion traductive a une à part dans le vaste champ de l’activité littéraire. Nous pourrions même avancer qu’elle est la seule capable de nous apporter, une fois délimitée et théorisée – même s’il convient plutôt de parler de méthodologie – des solutions à nos hésitations, nos contradictions et nos querelles de chapelles dans les recherches en sciences humaines.

   Etiemble affirmait à propos de l’importance de la traduction dans les études comparatistes : qu’au lieu d’égarer nos étudiants dans les études pseudo-sociologiques telles que le mirage russe dans la littérature américaine (…), on les orientât vers l’étude comparative des traductions. Soit que l’on étudie les diverses traductions anglaises d’un même poème de Saint-John Perse, ou françaises d’un même poème de Toth Arpad, ou de Vorosmartv ; soit que l’on examine les traductions d’un même poème en trois, quatre, dix langues de phonétique et de structures différentes, on fera œuvre enfin de littérature véritablement comparée (Etiemble, 1988).     
    Il avance également, et nous en convenons avec lui, que l’étude comparée des traductions nous permet d’aller fort avant dans l’analyse de l’art du poète, d’isoler, dans chaque poème, ce qui participe à la prose et les dons ou les conquêtes de la poésie, de préciser quelles parts de cette poésie sont transmissibles, quelles perdues dans telle langue, sauvées dans telle autre (idem).
    Dans le rapport comparatisme/traduction, nous pourrions dire, sans offenser personne ni nous attirer les blâmes de quiconque, que le premier comparatiste ne remonte pas au XIXème siècle et encore moins au XVIIIème siècle ; il est, peut être, ce moine inconnu, qui décida de convertir une langue avant d’essayer de convertir les gens, en confrontant deux langues, deux systèmes de pensée, et qui sait deux attitudes face au monde et aux Dieux. C’est lui le premier comparatiste. N’est-il pas vrai qu’il est le premier comparatiste, ce premier traducteur…?
    On peut nous rétorquer, et à bon droit, qu’il est difficile de faire entièrement confiance au traducteur, car la démarche de celui ci n’est jamais sans arrière-pensée. On nous dira de regarder les traductions de Amérique ou Amerika ou l’Eternel mari, ou encore celles des œuvres de Shakespeare, Ibn Khaldoun, Hallaj et Omar Khayyâm qui ont fait l’objet non de traductions mais de retraductions. Plus proche de nous, les cas des œuvres de Kafka, de Dostoïevski, de M. Lowry ou encore de Dante nous interrogent sur ce phénomène qu’est la retraduction ; et un certain nombre de questions vient automatiquement à l’esprit : une traduction date-t-elle, et faut-il la renouveler tous les vingt ou trente ans ? Ou notre connaissance des langues d’origine est-elle devenue plus complète ?
   Les modes et les affinités sont pour une large part dans le phénomène du retraduire, car l’original n’a pas changé (nous parlons ici d’originaux établis une fois pour toutes, soit par l’auteur lui-même soit par un travail de reconstitution de l’œuvre nullement contestable), ce qui est différent, c’est notre réception de l’œuvre. Et lorsque nous nous trouvons face à deux traductions, à laquelle des deux pourrions nous faire confiance, ou plutôt lequel des deux traducteurs est digne de notre confiance ? Là aussi il y a problème. Dans le cas de Kafka, nous avons d’un coté Vialatte, lui même écrivain et romancier, et de l’autre B.Lortholary (universitaire et traducteur), ici la posture littéraire du traducteur est déterminante dans le repérage du ce-à-partir-de quoi il traduit, également son projet et horizon traductifs.

    Dans un premier temps et vu la profusion et la diversité des idées concernant la théorie de la traduction, considérons celle-ci comme l’auxiliaire de la littérature comparée. Nous savons très bien que celle-ci ne peut pas se passer de traductions. Alors faisons en sorte qu’il y ait un échange de bons procédés, au moins dans un premier temps, entre les acquis de la littérature comparée et ceux de « l’activité traductive ». Etiemble déclarait que la littérature générale et comparée deviendrait inopérante sans le recours aux traductions. Il est vrai qu’il faut de bons traducteurs comme Paul Deméville, J.P.Diény, Paul Jacob et J.Pimpaneau pour la poésie chinoise ; Efim Etkind pour la poésie russe, entre autres (Etiemble, 1988, p.168).
   Notre propos se veut à l’intersection de ces deux disciplines : nous voulons parvenir, ou au moins tenter d’ébaucher une méthode d’étude comparée des traductions, c’est à dire une démarche qui mettrait à profit la réflexion théorique sur les problèmes de la traduction et les acquis d’une discipline telle que la littérature comparée, plus encore, la littérature générale et comparée.
   S’il est, à des degrés différents, aisé de traduire en maîtrisant deux langues, en connaissant parfaitement l’auteur, son œuvre et la place du texte à traduire dans la culture et son éventuelle pertinence une fois traduit, il n’est pas aisé de mener une réflexion objective sur ce même travail dans une perspective théorisante. Car, il n’est pas sans risque de tenter une théorisation si l’on ne voit dans les composantes de l’opération traduisante que le sens ou le style, si l’on ne voit dans l’acte de traduire qu’une prise de position en faveur de l’un ou l’autre composant d’un texte, voire même donner priorité à l’auteur de l’original ou au lecteur de la traduction. L’œuvre littéraire n’est pas uniquement sens et style, elle est cela et autre chose à la fois, fondamentalement une pulsion, un désir avant tout. Aussi, la traduction doit saisir ce qui représente l’objet même de la traduction, ce hiatus actif existant entre les langues, entre les civilisations, entre les climats humains…
    La traduction, comme nous l’avons vu précédemment, est une actualisation au sens strict du terme. Et d’autre part, la littérature comparée est cette démarche scientifique qui étudie les variants et les invariants entre deux, trois ou plusieurs textes, représentatifs de deux, trois ou plusieurs littératures. Elle étudie ce qui fait que toute œuvre littéraire est à la fois une production unique, non répétable et concret et la production du commun fragmenté et virtuel qui n’aspire qu’à la concrétisation. Partant de là, l’étude comparée des traductions, considérant la création littéraire, la critique littéraire et le factum littéraire de manière générale, se fonde sur le principe  que ni le commun ni le particulier ne fonctionnent ni n’opèrent séparément, l’absolu littéraire réside dans leur coexistence, leur complicité et leur connivence, et c’est cela qu’il faut tenter de saisir dans la démarche traductive, et comment peuvent-ils fonctionner afin de  produire la cohésion ou la cohérence traductive, et que nous préférons nommer harmonie traductive qui au-delà de ce que veut dire une traduction nous saisissons ce qu’elle fait ; une traduction totale et totalisante s’inscrit dans ce qu’elle fait et pas uniquement dans ce qu’elle dit.

   Méthodologiquement, la comparaison des traductions  ou comparative translation ou ce que nous avons désigné par un néologisme en 1990 par Traducritique, suppose deux axes :
a) comparaison dans la même langue d’un texte traduit au moins deux fois soit par deux traducteurs différents ou par le même traducteur.
b) comparaison de traductions dans plusieurs langues d’un même texte.

Chacun de ces deux principes se base sur la démarche suivante :
1)      Déterminer les tendances déformantes, les écarts ou encore les variants - c’est à dire ce qui fait que la traduction ne reflète pas entièrement, sinon pas de tout, l’original – dans le rapport traduction x / traduction y, par rapport à l’original.
2)    Déterminer les tendances concordantes, les coïncidences  ou encore les invariants - c’est à dire ce qui fait que la traduction coïncide de très près avec l’original – entre traduction x / traduction y, par rapport à l’original.
   Au sein de chacune des deux opérations, nous serons renseignés sur les trois textes en même temps, l’original par rapport aux deux traductions, et chaque traduction dans sa relation avec/à l’autre.
   Par ailleurs, une fois les deux tendances déterminées dans les deux traductions entre elles et par rapport à l’original, la comparaison sera faite entre les déformations et les concordances des traductions par rapport à l’original. L’intérêt de cette démarche est qu’au moment où nous faisons la comparaison des traductions, l’original ne soit jamais absent. A travers les tendances déformantes ou/et concordantes, nous relevons ce qui a été retenu et ce qui été abandonné par les traducteurs dans l’une ou/et l’autre traduction toujours par rapport à l’original qui à aucun moment ne quitte le champ de l’investigation.
   Cette démarche ne se limite pas uniquement à la comparaison des traductions, elle tente systématiquement et simultanément d’associer l’original dans l’investigation. Pourquoi ? Nous pensons que, pendant qu’elle nous renseigne sur les traductions (leur fonctionnement), elle nous informe également sur l’original et sur le fait que celui-ci existe et les traductions aussi. Cette approche associe l’explication du texte, l’analyse formelle du genre et la critique littéraire en plus de la comparaison et donc de l’explication du pourquoi de tel choix et non de tel autre.
   En outre, l’analyse comparée de traductions, pour acquérir un statut autonome, ne se contente pas de comparer deux traductions d’une même époque ou d’époques différentes d’une œuvre dans la même langue, mais également comparer deux traductions d’époques différentes ou de la même époque dans plusieurs langues. Ce n’est là cependant qu’une facette des diverses possibilités qu’offre l’approche traducritique qui associe entre autres l’histoire de la traduction, la critique littéraire et l’esthétique littéraire.
    Pratiquement, et dans un souci de clarté, l’analyse est basée dans un premier temps, sur le repérage des tendances déformantes dans les deux traductions chacune séparément par rapport à l’original et ensuite l’étude du pourquoi et du comment de leur existence et incidence au niveau des deux traductions. La même opération pour ce qui est des tendances concordantes. Ceci nous amènera à évaluer la pertinence des choix des traducteurs, et surtout les conséquences d’interprétation de leurs traductions.
   Concernant les tendances déformantes, nous nous basons essentiellement sur l’excellent travail d’A.Berman, dans lequel il définit treize tendances déformantes en traduction. Il s’agit de : la rationalisation, l’allongement, l’ennoblissement, la vulgarisation, la clarification, l’appauvrissement qualitatif et quantitatif, l’homogénéisation, la destruction des rythmes, la destruction des réseaux signifiants sous jacents, la destruction des systématiques textuels, la destruction (ou l’exotisation) des réseaux et idiotismes, l’effacement des superpositions de langues, pour lui, il considère ces éléments comme un tout systématique dont la fin est la destruction, non moins systématique, de la lettre des originaux, au seul profit du « sens » et de la « belle forme » (A.Berman)
     Ainsi les tendances déformantes font de la traduction dans le texte d’arrivée la priorité de  l’opération traduisante. Les diverses expressions de l’original se soumettent aux exigences de la langue d’accueil. Face à ces tendances déformantes de l’original, il y a les tendances concordantes avec l’original, mais elles aussi déformantes, cette fois non de l’original mais de la langue d’arrivée, c’est à dire qui font des éléments de l’original les priorités à faire passer au prix de l’éclatement des repères de fonctionnement de la langue d’arrivée. Cette deuxième démarche crée ce que nous appelons la traduction cartepostalisante. Nous prenons le discours de l’original et nous le reproduisons tel quel dans la langue d’arrivée. Le lecteur de la traduction ne se reconnaît plus dans sa propre langue.
   Aussi et étant que l’analyse comparée de traductions implique des investigations dans l’original, la traduction A, la traduction B, et l’étude de leur interaction les unes avec les autres, nous avons appelé cette démarche « traductrice/traductive ».
    En résumé elle se rapproche de la critique littéraire qui, elle s’occupe des procédés de création littéraire. Dans ce sens, la traduction comparée serait une nouvelle forme de critique littéraire, il est vrai, qui ne s’occuperait que des textes étrangers traduits au moins deux fois dans la même langue par deux traducteurs différents dans un premier temps. Le terrain d’investigation de ce que appelons traducritique est certes restreint et limité. Cependant l’intérêt de cette nouvelle démarche n’est pas dans le nombre d’œuvres étudiées, mais il est dans le nouvel apport pour l’étude des œuvres littéraires, car elle sera la seule démarche qui saura nous renseigner de manière complète sur une œuvre littéraire, elle nous éclairera avant tout sur l’original, sur les deux, ou plusieurs, traductions, et nous éclairera enfin sur un point essentiel, celui de la convergence des création, réception et interprétation.
    Seule l’étude comparée des traductions peut nous révéler les rapports souvent obscurs qui font de la création une réception interprétative, de la réception une interprétation créative.

A la lumière de ces postulats, la traducritique, tout en étant non encore complétement établie théoriquement et méthodologiquement de manière définitive, loin s’en faut, elle demande à être complétée par des analyses textuels des traductions ou du moins dans un premier temps par l’étude des discours paratraductifs afin de mettre en évidence les stratégies traductives et les choix traduisants ; elle ouvre néanmoins, en l’état actuel des recherches, un nouveau concept traductif, celui que nous nous sommes aventuré à dénommer Trastraduction ou traduction synthétique ou encore traduction synthèse.

Scientifiquement, si la critique de traductions existe, elle est opérationnelle pour mettre en évidence les stratégies traductionnelles et révèle les zones de défectivité des traductions et surtout le rapport qu’entretiennent les traductions entre elles dans un premier temps, et les relations qu’elles entretiennent avec l’original, de l’autre côté.






































Pour une transtraduction
(Texte coranique, sourate XVII en traductions françaises).
















La traducritique comme nous la concevons n’est pas une simple description du lisible ou de l’illisible de plusieurs traductions, elle opère également sur le prolongement de l’œuvre en proposant ce que nous appelons transtraduction à défaut d’un autre terme pour le moment, autrement dit traduction synthétique ou traduction synthèse…

De quoi s’agit-il ?
Brièvement, il s’agit d’opérer un choix pertinents de fragments de traductions de manière à proposer une synthèse d’au moins deux ou trois traductions par leur déconstruction afin de construire une traduction composée d’éléments pris aux autres soit de manière ordonnée ou de manière à construire une harmonie textuelle propre à la nouvelle traduction. Ce travail peut être appelé traduction à quatre, six ou huit mains, dont le but ultime recherché est de proposer une traduction achevée après laquelle aucune autre n’est possible.
Pour illustrer cette démarche, expérimentale en l’état actuel de nos recherches, nous proposons le résultat de notre travail appliqué aux traductions françaises du texte coranique à travers la sourate XVII (Le voyage Nocturne).

Les raisons d’une transtraduction

Si tous les traducteurs ou les exégèses musulmans appellent de leurs vœux à la constitution de groupes où historiens, anthropologues, religieux, linguistes, exégèses, spécialistes des sciences des religions et traducteurs travailleraient ensemble en vue d’une meilleure saisie du texte coranique dans toutes ses configurations pour pouvoir proposer une traduction  satisfaisante, paraît un vœux  louable, voire nécessaire ; il est à notre avis d’une difficulté pratique à mettre en place, et si tant est qu’il existe et qu’il puisse offrir la traduction souhaitée, celle-ci serait immanquablement taxée d’un quelconque défaut. Alors que faire ?
Nous prenons ici le risque, avec notre transtraduction, de nous attirer les critiques tant sur le plan scientifique que méthodologique, voire théologique. Mais, nous le prenons, et supposons qu’une hypothèse comme celle de la notre, si elle ne propose pas de solution à une meilleure traduction du texte coranique, elle a le mérite d’exister et de soulever des questions, voire engager un véritable débat sur la traduction du Coran.
Nos raisons sont les suivantes :
Scientifiquement, si la critique de traductions existe, elle est opérationnelle pour mettre en évidence les stratégies traductibles de manière générale, et plus particulièrement, révèle les zones de défectivité des traductions et surtout le rapport qu’entretiennent les traductions entre elles dans un premier temps, et les relations qu’elles entretiennent avec l’original, de l’autre côté. La traducritique existe donc.
Mais que propose-t-elle ? si elle doit se contenter de l’analyse dans toute sa froideur, elle ne fait que reformuler les reproches ou les louages à l’égard de telle ou telle traduction ; ce n’est guère suffisant à notre avis.
La traducritique comme nous la concevons n’est pas une simple description du lisible ou de l’illisible de plusieurs traduction, elle opère également sur le prolongement de l’œuvre en proposant ce que nous appelons transtraduction à défaut d’un autre terme.
Comment avons-nous procédé ?
Avouons-le, c’est l’arbitraire qui a guidé notre choix de tel ou tel verset chez tel ou tel traducteur et non pas chez un autre, mais l’arbitraire n’est pas forcément négatif, il fût une première étape pour rendre visible la transtraduction, et c’est après que nous avons selon des critères précis élaboré la cohérence des choix ; certes nous avons fait dialoguer des traducteurs qui peut être autrement ne seraient jamais rentré en dialogue traductif ; nous avons nié à chaque traducteur sa spécificité en le fondant dans le propos d’un autre ; est-ce le prix à payer, oui, c’est un risque que nous avons pris ; n’en déplaise aux puristes, notre proposition s’inscrit dans une continuité qui est l’équation suivante : Original…traduction…traducritique…transtraduction…

La boucle est bouclée…





Les traductions françaises qui ont inspirées la présente transtraduction sont celles de :
Denise Masson (1967)
Hamza Boubakeur (1972)
Jacques Berque (1990)
André Chouraqui (1990)
Youssef Seddik (2002)
Malek Chabel (2009)











Gloire à celui qui fait voyager Son serviteur, pendant la nuit, de la mosquée Sainte[9] à la Mosquée éloignée[10], dont Nous avons béni l’enceinte, pour lui montrer Nos signes ! En vérité, Lui est l’Entendeur et le Voyant. Nous avons apporté l’Ecriture à Moïse et en avons fait une Direction pour les Fils d’Israël. « Ne prenez point de protecteur (wakîl) en dehors de Moi ! Ô vous les descendants de ceux que nous avons portés avec Noé ! -il fut un serviteur reconnaissant- Nous avons annoncé[11] dans le (même) livre : « Par deux fois, vous commettrez du désordre sur la terre et afficherez un orgueil excessif. Aussi, quand adviendra la prophétie (attachée à) la première des deux, Nous déchaînerons sur vous tels de Nos serviteurs à l’assaut furieux. Jusque dans les maisons ils vous pourchassent…_et voilà promesse accomplie. Ensuite, nous vous avons donné une revanche contre eux, nous avons multiplié vos biens et vos fils, nous avons donné des troupes plus nombreuses. Si vous faites le bien, c’est dans votre propre intérêt. Si vous faites le mal, c’est que vous agissez contre vous-même. Quand vint l’accomplissement de la dernière promesse, c’est pour mettre à mal vos visages et pénétrer dans la  mosquée (pour la profaner) comme ils l’avaient fait la première fois, et détruire entièrement tout ce qu’ils auront dominé. Peut-être votre Seigneur aura-t-il pitié de vous ? Mais, si vous retournez, Nous retournerons !  Nous avons fait de l’Enfer une prison pour les incroyants. Cette Prédication conduit vers celle qui est (le chemin) très droit ; elle annonce aux croyants qui accomplissent des œuvres pies la bonne nouvelle qu’ils auront un grand salaire.
Il annonce également que nous préparons un châtiment douloureux pour ceux qui ne croient pas à la vie future. L’homme appelle (de ses vœux) le mal comme il appelle le bien. En vérité, l’homme est porté à la précipitation. Du jour et de la nuit, Nous avons fait deux signes ; Nous effaçâmes le signe de la nuit et fîmes celui du jour propice à la clairvoyance, pour permettre de quêter quelque grâce de votre Seigneur, et de connaître le nombre des ans, le calcul ; et Nous articulons tout distinctement. Nous attachons l’augure de chaque homme sur sa nuque. Au jour du Relèvement, nous sortirons pour lui l’Ecrit. « Lis ton écrit. Il suffit, pour toi, en ce jour, d’être ton propre comptable. » Quiconque se fait guider, ne se fait guider que pour lui-même ; et celui qui erre, erre seulement pour lui-même. Et quiconque est chargé ne portera pas la charge d’un autre. _Nous n’avons jamais puni (un peuple) avant de (lui) avoir envoyé un Apôtre. Quand Nous voulons faire périr une cité, Nous ordonnons aux riches et ils se livrent à leur scélératesse. La parole contre cette cité se réalise et Nous la détruisons entièrement. Que de générations avons-nous détruites après Noé ! Ton Seigneur suffit pour connaître et pour voir parfaitement les péchés de ses serviteurs. A celui qui désir (jouir de la vie) immédiate, nous nous hâtons d’accorder de ce que nous voulons pour plus tard nous lui destinons la Géhenne dont il aura à subir l’ardeur, honni et exclue (de la miséricorde divine). Qui veut la vie dernière, et soutient vers elle l’allure qu’elle impose, à condition encore d’être croyant…ceux-là  verront leur allure gratifiée, Nous les soutenons tous par les dons de on Rabb : ce que Rabb donne n’est pas inaccessible. Regarde Nous Privilégions les uns sur les autres. La vie dernière comprend des degrés plus élevés et certainement plus privilégiés. Ne mets point avec Allâh d’autre divinité, car tu serais méprisé et délaissé. Ton Seigneur a décrété que vous n’adoriez que Lui et (marquiez) de la bonté à vos père et mère. Si l’un d’eux ou tous deux doivent auprès de toi atteindre la vieillesse, ne leur dis pas « Fi ! » et ne les brusque point, mais dis-leur des paroles respectueuses ! Incline vers eux, avec bonté, l’aile de la tendresse et dis : « Mon Seigneur ! Sois miséricordieux envers eux, comme ils l’ont été envers moi, lorsqu’il m’ont élevé quand j’étais un enfant ». Votre Seigneur est parfaitement informé de ce qui est en vos âmes, (Il sait) si vous êtes vertueux. Il est, en vérité, plein de pardon pour ceux qui reviennent à Lui. Donne à tes proches leur droit, mais aussi au pauvre, au ils du chemin _Et cela sans prodigalité prodigue. Les dilapidateurs[12] sont les frères des Shaïtâns[13], et le Shaïtan efface son Rabb. Si (par nécessité) tu te trouves amené à t’écarter d’eux dans l’espoir d’une miséricorde divine, tiens-leur au moins un langage de douceur et de bien. N’agis pas de telle sorte que ta main soit attachée à ton cou, et ne l’ouvre pas (non plus) entièrement. Autrement tu serait blâmé, ou tu (deviendrais) limité dans tes moyens. Ton Seigneur dispense ou mesure Son attribution à qui Il veut. Il est très informé et clairvoyant sur Ses serviteurs. Ne tuez pas vos enfants par crainte de la pauvreté. Nous leur accorderons leur subsistance avec la vôtre. Leur meurtre serait une énorme faute. Ne forniquez point ! La fornication est en vérité une turpitude et un mauvais chemin. Ne tuez pas la personne : Dieu  la protège par un interdit, sauf si c’était à bon droit. _Quiconque est injustement tué, Nous conférons un pouvoir à son ayant droit ; que ce dernier s’abstienne de surenchère sur le meurtre, il n’en sera que mieux secouru. Ne touchez pas aux biens de l’orphelin, avant qu’il ne prenne vigueur, sinon pour bien faire. Respectez le pacte : voici : tout pacte a des sanctions. Donnez pleine mesure lorsque vous mesurez et pesez n faisant usage d’une balance juste, exacte, droite. C’est mieux pour vous et les conséquences en seront heureuses. Ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. En vérité, l’ouïe, la vue, le cœur, de tout cela il fait une enquête. Ne marche point sur la terre avec insolence ! Tu ne saurais déchirer la terre et atteindre en hauteur les montagnes. Ce qui est mauvais en tout cela est détestable devant Dieu. Voilà (des prescriptions faisant partie) de la sagesse que ton Seigneur t’a révélée. Ne mets donc point un autre dieu à côté de Dieu, sans quoi tu serais jeté dans la géhenne, honni, banni. Dieu vous aurait-Il privilégié par des fils, en se réservant les anges pour filles ? _Vous proférez là une énormité…
Aussi, nous confirmons cet  Appel, al-Qur’ân, pour qu’ils se souviennent, mais il ne leur ajoute que panique ! Dis : « Si, comme ils le prétendent, Dieu (T.H.L.) avait avec Lui d’autres divinités, celles-ci auraient recherché des voies pour atteindre le Maître du Trône ! Gloire à Lui ! Qu’Il soit exalté, au-dessus de ce qu’ils disent, à une très grande hauteur ! Les sept cieux l’exaltent ainsi que la terre et ceux qui s’y trouvent. Il n’est aucune chose qui n’exalte Sa louange mais (infidèles !), vous ne comprenez pas leur exaltation. Il est longanime (hakîm) et absoluteur. Quand tu lis le Coran, nous plaçons un voile épais entre toi et ceux qui ne croient pas à la vie future. Nous voilons leurs cœurs pour qu’ils ne comprennent pas et frappons leurs oreilles de surdité. Quand, dans le Coran, tu évoques ton Seigneur dans son unicité, ils (te) tournent le dos par répulsion. Nous savons parfaitement dans quelle disposition ils écoutent quand ils t’écoutent ou quand ils se parlent en confidence : ils assurent alors, ces iniques : « Autant, pour nous, suivre un homme ensorcelé ! » Contemple comme ils fabulent sur toi : ils se fourvoient sans trouver de sentier. Ils disent : « Quand nous serons réduits à n’être qu’ossements et poussière, pourrions-nous être ressuscités par suite d’une nouvelle création ? » Dis (leur) : « Quand vous seriez des pierres, ou du fer, Ou out objet qui s’impose à votre esprit, (vous serez ranimés !). Ils diront : « Qui nous fera revenir ? » Réponds : « Celui qui vous créa une première fois. » Ils secoueront (alors) la tête vers toi en disant : « Quand cela ? » Réponds : « Peut-être est-ce proche. Le jour où  Dieu vous appellera, vous lui répondrez en le louant et vous penserez n’être restés que peu de temps dans vos tombes ». Dis à mes serviteurs d’exprimer les paroles les plus affables, car Satan se glisse entre eux ; or, Satan est pour l’homme un ennemi déclaré. Votre Seigneur sait parfaitement ce qu’il en est de vous. S’il veut, Il vous tien en Sa miséricorde ; s’il veut, Il vous tourmente. Nous ne t’avons pas envoyé à eux comme répondant… Votre Rabb sait qui est aux ciels et sur la terre : nous avons fait surabonder certains inspirés plus que d'autres, nous avons donné les Volumes à Dâwûd. Dis : “Invoquez ceux que vous prenez pour des divinités en dehors de lui : ils ne peuvent ni écarter le mal de vous, ni le modifier“. Ceux qu’il invoquent recherchent (eux-mêmes) le moyen qui les rapproche le plus de leur Seigneur, espèrent en sa miséricorde et redoutent son châtiment. En vérité, le châtiment de ton Seigneur est effrayant. -Il n’est pas de cité que Nous n’abolissions avant le Jour de la résurrection, ou à laquelle Nous n’infligions un dur châtiment -Cela figure textuellement dans l’Ecriture...La dénégation des premiers nous a seule empêché d'envoyez d'autres Signes contre eux. Nous avons donné la chamelle aux Thamûd pour les éclairer, mais ils l'ont tuée. Nous n'envoyons de Signes qu'en avertissement. Même quand Nous t’avons dit que ton Maître assiège les hommes…Et la vision que Nous t’avons manifestée : C’était seulement pour les mettre à l’épreuve ; De même que l’arbre de malédiction dans le Coran. Mais Nous avons beau les effrayer, cela ne fait que renforcer dans leur terrible impudence…Lorsque nous avons dit aux Anges : “Prosternez-vous devant Adam”, ils se prosternèrent, à l’exception d’Iblis. Celui-ci dit : « Me prosternerai- je devant celui que tu as créé d’argile ? », « Vois-tu, ajouta-t-il, si tu reportais (mon châtiment) jusqu’au jour de la résurrection, je dominerai assurément toute la descendance de celui que tu honores, excepté un petit nombre ! Dieu dit : “Va ! Ceux d’entre eux qui te suivront, la Géhenne les rétribuera d’une large rétribution, Séduis qui tu peux parmi eux par ta voix, lance-leur ta cavalerie et ton infanterie, associe-toi à eux avec biens  et enfants, promets-leur tout : les promesses du Shaïtân ne sont qu'illusion.  Tu n’as aucun pouvoir sur mes serviteurs. Ton Seigneur suffit comme protecteur”. Votre seigneur est celui qui fait voguer pour vous le vaisseau sur la mer, pour que vous recherchiez (les dons) de sa grâce, car il est tout compatissant envers vous. -Dès que sur mer vous touche une avarie, ceux que hors Lui vous invoquez s’égarent. Il ne reste que Lui. Et quand Il vous a ramenés saufs au rivage, vous vous détournez- L’homme n’est qu’ingratitude Ne pensez-vous pas que le flanc du terroir s’affaissera sur vous ou qu’Il enverra une tornade vous dévaster ? Vous ne trouveriez alors aucun défenseur. Etes-vous sûrs qu’Il ne va pas une seconde fois vous ramener au large Et déchaîner contre vous un ouragan vous engloutissant dans votre ingratitude, Sans que vous puissiez contre Nous recours trouver Nous avons ennobli les fils d’Adam. Nous les avons portés sur la terre ferme et sur la mer. Nous leur avons accordé d’excellentes nourritures. Nous leur avons donné la préférence sur beaucoup de ceux que nous avons créés. Le jour où nous appellerons tous les groupements d’hommes par la voix de leurs chefs ; ceux auxquels leur livre sera donné dans la main droite liront leur livre ; ils ne seront pas lésés d’un fil. Quiconque aura été aveugle ici-bas le sera également dans l’au-delà et il sera plus égaré (encore) par rapport à la bonne route. De peu s’en est fallu que leur tentation ne te fit lâcher ce que Nous te révélâmes pour forger contre Nous l’apocryphe, moyennant quoi ils t’auraient adopté pour  leur intime ami Si nous ne t'avions pas conforté, tu aurais risqué de t'incliner devant eux ! Nous t’aurions alors fait goûter le double de la vie et le double de la mort. Tu n’aurais pas, ensuite, trouvé de secours contre nous. S’ils avaient pu, ils t’auraient incité à abandonner ce pays pour t’en bannir, et (s’ils étaient arrivés à leur fins), ils ne seraient demeurés que peu de temps après toi, selon la tradition de ceux que nous avions envoyé avant toi : tu ne trouveras pas d'alternative à notre tradition. Acquitte-toi de la prière au déclin du soleil, jusqu’à l’obscurité de la nuit ; fait aussi une lecture à l’aube : la lecture de l’aube a des témoins.  (Veille) une partie de la nuit après un bref sommeil pour réciter le Coran, par une prière surérogatoire, afin que ton Seigneur te ressuscite t’assignant un rang digne de louange. Dis : “Seigneur, fais-moi entrer entrée de vérité, sortir sortie de vérité. Munis-moi de Ta part d’un pouvoir au secours décisif”...Dis : "Venue la vérité, évanouie l'inanité ! Voici, l'inanité doit s'évanouir." Du Coran, Nous ne faisons d’en haut révéler Que ce qui apporte à ceux qui ont la foi, guérison et Maternance. Mais cela même ne fait qu’enfoncer les humains de la démesure dans leur perdition. Quand nous comblons l’homme de bienfaits, il se détourne et s’éloigne. Quand le malheur le touche, il est désespéré. Dis : “chacun se comporte selon sa nature. (Mais) votre Seigneur connaît bien celui qui suit la meilleure route.” On t’interroge sur l’Esprit. Dis :”L’Esprit est du ressort de Dieu et il ne vous a été donné de science qu’une part bien chétive” Si nous le décidions, nous remporterions ce que nous t'avons révélé :mais tu ne trouverais plus de défenseur, Mais, de par la Maternance de ton Maître Il n’en fait rien, Immense est la faveur qu’Il t’accorde !Dis :“Si les hommes et les Djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable à ce Coran, ils ne produiraient rien qui lui ressemble, même s’ils s’aidaient mutuellement”. Certes, nous avons donné aux hommes, dans le Coran, toutes sortes d’exemples, (mais) la plupart d’entre eux refusent (tout) sauf d’être mécréants, « Nous ne t’en croirions, disent-ils, que si tu faisais jaillir pour nous du terroir une source puissante ou que tu n’aies un jardin de palmiers et de vignes d’où tu ferais jaillir des fleuves Ou que tu fasses sur nous choir le ciel, par pans entier Comme tu nous en a menacés Ou…Et si tu nous amenais Dieu et, en cohorte, les anges ? Ou que tu ne posséderas pas une maison pleine d’ornements. Ou que tu ne t’élèveras pas dans le ciel. -Cependant nous ne croirons pas à ton ascension tant que tu ne feras pas descendre sur nous un Livre que nous puissions lire »-Dis : « Gloire à mon Seigneur ! Que suis-je sinon un mortel, un prophète ? » Rien n’empêche les gens de croire, lorsque la bonne direction leur est indiquée, si ce n’est (le fait) de dire : “Dieu envoie-t-il un homme comme messager ?” Dis :”S’il y avait sur terre des anges, à y aller et venir tranquillement, sur eux Nous aurions fait descendre du ciel  un envoyé angélique”« Entre vous et moi, que Dieu suffise comme témoin. Il est Informé, Clairvoyant »…Celui que Dieu dirige est bien dirigé. Tu ne trouveras pas de maître, en dehors de lui, pour ceux qu’il égare. Le Jour de la Résurrection, nous les rassemblerons face à face ; aveugles, muets et sourds. Leur asile sera la Géhenne. Chaque fois que le feu  s’éteindra, nous en ranimerons, pour eux, la flamme brûlante. Telle sera leur rétribution pour avoir nié nos signes et avoir dit :”Or çà, quand nous serons ossements et poussière, serons-nous ressuscités en une création nouvelle ?” Ne voient-ils pas que Dieu, Créateur du ciel et de la terre, a le pouvoir de créer leur réplique ? Il leur a fixé un terme indubitable. Mais les iniques se refusent, si ce n’est au déni…Dis :"Si vous possédiez le trésor des grâces de mon Rabb, quand vous l'auriez, vous auriez peur de le prodiguer. L'humain est avare !"Nous avons donné à Moïse neuf signes manifestes. -Interroge les fils d’Israël-Lorsqu’il vint à eux et que Pharaon lui dit : “Ô Moïse ! Je pense que tu es ensorcelé !” (Et Moïse) de rétorquer : “Tu sais bien que seul le Maître des cieux et de la terre a fait descendre de tels (signes) comme preuves évidentes. Je crois, Pharaon, que tu es perdu.” L'autre voulait le faire déguerpir du   pays. nous l'avons englouti, lui et les siens, jusqu'au dernier Nous avons dit ensuite, aux fils d'Isrâ'îl :"Habitez cette terre ! Quand l'Autre promesse se réalisera, nous vous ferons revenir en foule." Cela Nous l’avons d’en haut révélé avec le Vrai. D’en  haut révélée avec la vérité Pour annoncer la bonne nouvelle et avertir les humains, Nous t’avons envoyé Nous avons fragmenté cette Lecture pour que tu la récites lentement aux hommes. Nous l’avons réellement fait descendre. Dis-(leur) : “Croyez-y ou n’y croyez pas ! Ceux qui ont reçu (de Dieu) la science avant (sa révélation) tombent prosternés, le menton contre terre, lorsqu’elle leur est récitée, Ils disent : "O transcendance de notre Seigneur ! C'était la promesse de notre Seigneur ;  la voilà réalisée"  Ils tombent sur leur face et pleurent, dans leur humilité grandissante. Dis : “Invoquez Dieu, ou bien : invoquez le Miséricordieux. Quel que soit le nom sous lequel vous l’invoquez, les plus beaux noms lui appartiennent”. Lorsque tu pries : n’élève pas la voix ; ne prie pas à voix basse ; cherche un mode intermédiaire, Dis : « Louange à Dieu qui n’a ni enfant, ni associé dans la royauté, ni protecteur contre l’humiliation ! » Et magnifie hautement sa grandeur.




















Références bibliographiques. 

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Les tours de Babel, Mauvezin, TER, 1985.

































[1] Naguib Mahfuz, auteur egyptien, Prix Nobel 1988.
[2] Chrétien de Troyes (1135-1181/1191), connu pour ses romans de chevalerie.
[3] François Rabelais (1483/1493-1553).
[4] Franz Kafka (1883-1924).
[5] Léon Tolstoï (1828-191).
[6] Yukio Mishima (1925-1970).
[7] James Joyce (1882-1941).
[8] Michel Houellebecq, Flammarion, Paris,1998.
[9] La Mecque.
[10] Jérusalem.
[11] Aux fils d’Israël.
[12] Le terme exact selon le Littré est « dilapidateurs ».
[13] le pluriel de Shaïtan est Chayatin, s’agit-il là d’une erreur de la art de Chouraqui, peu probable.

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